mardi 3 juin 2014

COMMENT (SE) CIVILISER


Partant, deux options de civilisation. (Je ne veux pas dire "une civilisation" dans le sens d'un état social et culturel établi ici ou là, mais l'acte de (se) civiliser. C'est-à-dire organiser la vie en commun à travers mœurs, lieux communs (jeu de mot volontaire) ou collectifs, règles de vie, habitus, lois. Et encore la langue, l'éducation, la transmission de l'information, du savoir… et bien d'autres éléments de culture qui signent le "vivre ensemble", la Culture au sens anthropologique.)
Option 1, hobbessienne, ou "de droite" : rigide. Le pouvoir fort, répressif. Paradoxe inclus : pour libérer de la peur de l'autre, on institue la peur du gendarme.
Option 2, rousseauiste, ou "de gauche" : souple (ce qui ne veut pas dire molle ou laxiste).
L'exigence de base est différente : à droite, c'est admettre la nécessité d'une contrainte.
À gauche la nécessité d'un contrat.
À droite l'enjeu est individualiste-égoïste : pour que chacun puisse s'épanouir (sur le plan économique et autres), débarrassé de la peur de l'autre, il faut de la contrainte (mais c'est toujours contraindre l'autre).
À gauche l'enjeu est collectiviste : la paix sociale devient le but… et simultanément le moyen de l'épanouissement individuel. Le paradoxe (ou le détour) est que, pour le bonheur de chacun, il faut d'abord le bonheur de tous. (J'aurais tendance à ajouter un ? derrière le mot "d'abord".) Le bonheur de tous devient l'enjeu transcendant, exigeant au besoin le sacrifice de l'un ou de l'autre, ou de tel ou tel besoin, désir ou envie ou caprice personnel, égoïste, individuel.
Mais c'est là, le mot sacrifice étant déplaisant, que le ? derrière "d'abord" prendrait toute son importance.
L'enjeu politique général est là, finalement : naviguer entre ces deux paradoxes : d'un côté celui qui veut échapper à la peur par la peur et un ordre rigide… de l'autre celui qui veut échapper à l'égoïsme par le sacrifice. Les deux options apparaissent négatives, fondées sur le pessimisme.
À droite, l'individu est vu comme seul (et comme une "chose") face à la société (une autre "chose", figée) et ne pouvant s'épanouir que dans la possession et la sécurité, et la sécurité de ses possessions.
À gauche l'enjeu est la société (un état de choses vivant) contenant (aux deux sens du terme) l'individu égocentrique et ses désirs propres ; société ayant pour but, en réussissant, d'assurer "par rebond" l'épanouissement individuel, non plus dans le sens égotiste/égoïste, individu figé en "chose" possédante, mais dans le sens de l'individu social, socialisé et socialisant, s'épanouissant dans le contact, les liens, liaisons, l'échange, la redistribution.
Est-ce mieux ? Oui. Moins pessimiste ? Oui. Sans doute fondé sur une meilleure compréhension de ce qu'est un être humain : comme déjà dit et répété, il n'y a pas d'être humain seul, il n'y a d'humain que social, que vivant dans une société – même si parfois ça se bagarre. C'est plus moraliste ? Oui et non : c'est une morale, ou une éthique, qui fait moins appel aux commandements, interdits et répression, plus à la prise de conscience, au bon vouloir, voire à l'amour. Alors le triste terme de sacrifice peut être remplacé par "de la retenue" dans les désirs, de la sobriété dans les besoins, et des rapports humain où la sollicitude entre en jeu et où la concurrence ou rivalité (qui ne peut pas ne pas exister) devient jeu (conscient, distancié).

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