vendredi 1 décembre 2017

ÉCRITURE NEUTRE - 2


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Petite suite suédoise… à moins que ce soit un prologue rétrospectif…

Si mon cerveau et mon disque dur étaient parfaitement rangés, je me serais aperçu que la matrice de mon article du 21 novembre sur la neutralisation de la langue était dans un article de 2012 de Slate et de quelques réflexions que j'avais notées à sa lecture.

Suède. http://www.slate.fr/story/56183/hen-pronom-neutre-genre-suede
En suédois, "il" se dit "han", "elle" se dit "hon" et le néologisme "hen" serait un "on" (asexe ou bisexe) .
# Hen fut mentionné pour la première fois par des linguistes suédois au milieu des années 1960 puis, en 1994, c'est le linguiste Hans Karlgren qui suggéra son ajout en tant que nouveau pronom personnel, principalement pour des raisons pratiques. Karlgren essayait d'éviter l'embarras du il/elle, engluant l'écriture, et voulait inventer un terme unique pour « nous permettre de parler d'une personne sans avoir à préciser son sexe ». Selon lui, l'initiative allait permettre d'améliorer la langue suédoise et de lui conférer davantage de nuance. #
Je ne sais pas s'il y a un neutre en suédois, comme le neutre anglais qui désigne les choses… mais aussi les animaux. Si déjà en français on avait un neutre pour les choses ça ne serait pas mal : pourquoi un car / une voiture, un bâton / une baguette, un ballon / une balle, un référendum / une élection…?
Pour pas mal d'animaux, on se retrouve forcé de dire que le mâle de la grenouille n'est pas le crapaud mais la grenouille mâle, que les girafes peuvent être mâles, de même que les antilopes, les libellules, etc., alors que certains animaux bénéficient de la déclinaison : un lion, une lionne, un âne, une ânesse, voire de deux dénominations bien différentes selon le sexe : un cheval une jument, un porc une truie.
Si bien qu'il faudrait aussi, pour les êtres sexués, animaux et humains, un autre neutre, plutôt transgenre ou bisexe que a-genre ou a-sexe. Un "on" qui supposerait des adjectifs à la forme neutre aussi. Car aujourd'hui, quand on emploie "on", soit comme forme impersonnelle, soit, populairement, comme remplaçant "nous", on le fait suivre d'un masculin : "on est nombreux à penser que…", puisque le masculin domine, comme dans "les hommes et les femmes les plus beaux…". Expression quelque part aberrante sauf si on pense alors ce masculin comme une sorte de neutre, de la même manière que l'on dit l'homme" pour désigner l'espèce humaine sans distinction de sexe ou d'âge.
Rien que sur ce détail du genre des adjectifs, la réforme s'avère très difficile, tant est ancrée par exemple la féminisation en e : profond, profonde, grand, grande, généreux, généreuse, menaçant, menaçante… sans oublier un tas de cas particuliers, comme pour les animaux : un an / une année, un jour / une journée. Pourtant il y a des adjectifs déjà neutre ou bi-genres : stable, imposable, parlementaire, britannique et autres en –ique… etc.
Ce qui se profile là, tant dans l'article de Slate sur la Suède que dans mon article pour rire du 21 novembre c'est une réforme tellement profonde de la langue que c'en est une nouvelle langue. Pour ma part, et comme penser c'est choisir son camp, je suis contre : on a vraiment autre chose à foutre.
(La fin de l'article de Slate sur les efforts faits dans les écoles pour dé-genrer ou dé-sexuer les jeux, jouets, vêtements d'enfant fait froid dans le dos… Winter is coming.)



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