mardi 16 janvier 2018

"ALONE ON MOON" / 7


(Le truc, c'est de dire que c'est de la poésie dadaïste : on peut tout se permettre.)
L'abus du triathlon tue
Betty, dans ses beuveries, voyait des faucons noirs fondre sur les Tours de Babibel. C'était une fille d'une beauté à couper le beurre, venue de Shangaï, un papillon tatoué sur l'épaule nue, court vêtue mais bottée, une artiste iconoclaste, une égérie cosmopolite. Le sommelier qui l'avait versée dans sa robe avait eu la main lourde : ça débordait de partout.
Parfois, après un bref chuchotement de tête, elle piétinait les géraniums de son imagination. Son rire couvrait même le bruit de ses pieds.
Pour l'heure, elle court en Louboutins, Betty, autour du stade, sur le mâchefer usé à la limite de l'agonie (mot qui n'a pas de pluriel). Matière noire aléatoire qui murmure a capella à l'oreille des salades avec une aisance de mécanique ondulatoire. Doigts noirs sur le bitume, exécrables excréments.
Trop de bruits ont couru derrière elle juste avant le déluge, dans la brume asphaltée, trop de marathons déroutés, de karatékas en tornades, de championnats d'athéisme en chambre, de courses de descente de lit en luge.
Ne pas se fier aux images, on sent vite venir le danger. (Elle a tellement de dents, Betty !)
Du sang dans les narines, aspirine et momie braisée, caravane errant du possible avec une mystérieuse agence spectrale pour cible, des savoyards et des missiles sur l'aile du vent, elle arrive première sur la face cachée de la lune, la robe fendue jusqu'aux oreilles. Derrière elle, ça pue mais la fin vaut les moyens et le rossignol aussi pue (vous saviez pas ?)
La prunelle du vaincœur posée sur le podium : comme tout cela est vain.
Précipitée, fuyant l'incendie de Los Angeles, elle bouleverse les pédoncules précis du psy, zombie philosophique, fantôme à particule, étagères du commun où se posent les âmes à poil. Elle plongera des falaises dans l'essieu temporel du Pacifique : l'égorgeront les requins assoiffés et les poulpes géants élevés sous la mer.
De ses deux ailles brisées il ne reste que quelques plumes enflammées voletant au vent. Les anges ne font pas de vieux os, de nos jours, in California. Les collines fruitées barbeyent et se laissent glisser sur les golfs encore éclairés, parmi les morts-vivants. Le tremblement ne s'arrêtera pas. (Pourtant ce ne sont pas les policiers qui manquent.)
Le brouillage est parfait : l'émetteur n'en a plus pour longtemps.
La lumière saigne.
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COMPTINE HASARDEUSE N°17
Maurice et Raymond
N'ont qu'un seul poumon.
Un poumon pour deux
C'est bien ennuyeux,
Surtout pour courir.
Mais pas pour mourir.
D'ailleurs ils sont morts.
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