lundi 10 décembre 2018

ALONE ON MOON / 41


JOURNAL INTIME APOCRYPHE DE LOLA LOKIDOR ET RUFUS TUCRU (suite suite suite)
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UNE SCÈNE À L'HÔPITAL
Tucru : —  Entrez
Rufus : —  Mais j'y suis déjà.
Tucru : —  Bon, alors sortez et frappez et attendez que je vous ouvre.
Rufus : —  OK. (Il sort.)
Il frappe. Toc-toc !
Tucru : —  Entrez (sur un ton vague qui laisse un doute).
Rufus : —  C'est que… vous avez dit que vous m'ouvririez. Je ne sais pas si je peux entrer en ouvrant la porte moi-même.
Tucru : —  Non, vous ne pouvez pas, en effet. Il y a un verrou. Moi-même, je suis attaché à la chaise, les mains menottées. Je ne peux pas vous ouvrir. Enfoncez la porte. C'est une question de vie ou de mort.
Rufus : —  Du moment que c'est vous qui… Pourtant, tout à l'heure, j'étais dedans… Et vous m'avez dit de ressortir.
Tucru : —  Effectivement vous êtes ressorti. Pendant ce temps, j'ai mis le verrou, je me suis attaché et menotté. Enfoncez la porte.
Rufus  prend son élan et enfonce la porte d'un violent coup de pied. La porte gicle et frappe Tucru en pleine face. Son nez pisse le sang.
Rufus : —  Désolé, Monsieur. Euh… Monsieur…?
Tucru : —  Pas de nom, espèce de fou, on nous écoute !
La conversation aurait pu en rester là, morne, mais Rufus reprend : — Ce qu'il nous faudrait, c'est un bon orage, là maintenant.
Tucru : —  Non. Ce qu'il nous faudrait c'est un troisième interlocuteur. Une femme de préférence.
Rufus : — Lola ?
Tucru : —  Oui, mais si on a Lola, on aura aussi Lokidor, c'est embêtant.
Rufus : —  L'eau qui dort… Il faut s'en méfier, parait-il.
Lola Lokidor déboule dans la pièce. Elle est vêtue d'une blouse blanche, comme une sainte, bien qu'il n'existe pas de sainte rouquine. Elle pointe un pistolet, on ne sait pas encore sur lequel des deux.
Lola : — Et vous croyez que de ce Tucru il ne faut pas se méfier, vous ?!
Tucru : —  Je vous l'avais dit. (À Lola :) Lola Lokidor, pourquoi êtes vous habillée ?
Rufus : —  C'est ce que je lui dis toujours. Mais vous, Tucru, pourquoi ne l'êtes-vous pas, habillé ? (En effet, Tucru est toujours attaché à sa chaise, les mains menottées et pisse toujours le sang du nez, mais on découvre alors qu'en plus il est à poil. Est-ce choquant ? En réalité, tout le monde est nu, sous ses vêtements. — Même le pape ? — Même le pape.) En plus, il bande, transpercé par la beauté. Car Lola Lokidor, même habillée, est un poignard hors du fourreau, une épine de cactus, un lance-flamme, une dent de dragon, un narval. Elle presse la détente de son pistolet. Pour éviter la balle fatale, Tucru se jette par la fenêtre, chaise et menottes comprises. Dehors, il s'écrase au sol comme une merde, creusant sa propre tombe par son impact. La porte arrachée le suit, lancée par Rufus.  Elle fera une parfaite pierre tombale : elle est en marbre. (Faux, bien sûr, on est au théâtre.)
Lola, échevelée : — Bon débarras. Elle remballe son arme, jette sa blouse et s'offre à Rufus, nue comme le pape. (C'est seulement alors qu'il découvrit que les yeux de Lola étaient pers.)
•••
Dans le courant de la nuit, Rufus quittera la clinique par un tunnel connu de lui seul et récupèrera (par dessous) le cadavre aplati de Tucru, menotte comprises, c'est plus sûr. Il se retrouvera donc entier – bipolaire toujours mais entier – sans que personne s'aperçoive de rien.
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