samedi 22 décembre 2018

BURLESQUE SENTIMENTAL


Lola Lokidor venait juste de quitter Rufus Tucru après une brève séance de gymnastique lunaire. (La gymnastique lunaire, c'est comme la terrestre mais avec un tiers de la pesanteur. Il y a intérêt à avoir un plafond capitonné.) La séance s'était mal terminée : Lola voulait bien faire des pompes, mais elle avait les bras trop courts.
— Ya quelque chose qui gène, se justifiait-elle. Bicoze aye ame eu geurl.
— Va te faire empailler, rétorqua Rufus, cru comme un rorqual.
Pourtant, arrivée dans la rue, elle sentit que Rufus la suivait, encore en sueur malgré la température antarctique. (Rufus Tucru avait un tic : il cherchait toujours, où qu'il soit, le distributeur de café.)
— Qui est l'asthmatique dans la Cadillac ? demanda Lola.
Déconcerté, ou plutôt décontenancé, Rufus Tucru s'approcha en crabe. Une femme noire ébouriffée tenait le volant comme une assiette truquée. C'était Lola qui, par un mirobolant Subterfuge (avec Majuscule) s'était clonée, encore rousse (ce qui est un euphémisme) mais noire de peau.
— Je m'appelle Vénus Stromboli, déclara-t-elle d'emblée.
< Encore un nom pour stripteaseuse >, pensa Rufus. C'était en effet sur son buste que son tempérament volcanique s'affichait avec le plus d'évidence.
— Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de toi ? demanda-t-il avec une tête d'enterrement d'avance.
— Ces fariboles me turlupinent, ajouta-t-il avec une tête de cucurbitacée neurasthénique.
Lola (ou Vénus) démarra comme une bombe et disparut à l'horizontale.
Rufus, hagard, se retrouva entouré d'une bande de pickpockets. Ses poches se vidaient sous ses yeux. Il lui restait une poignée de mains. Il les échangea contre une paire de pieds. C'était moins drôle mais il en avait davantage besoin car c'était l'heure de la fuite. Il profita quand même  du fait qu'il avait deux mains pour leur en flanquer une dans la figure (à chacun).
Il rentra chez lui épuisé. Aurait-il seulement la force de s'endormir ? Et de rêver, peut-être…? Il resta fixe un long moment, au milieu des meubles transformés en fantômes sous leurs housses de Noël. Regardant ses pieds, < il faut que j'empeigne mes chaussures >, pensa-t-il, versatile. < Tiens, je me ferais bien une petite vaisselle, moi, comme ça, pour le plaisir >, pensa-t-il ensuite aparté.
Quand ce fut fait, il s'étendit sur son tapis persan  entouré d'une rangée de tessons de bouteilles.
Il relut L'Éloge de la fuite puisque c'était l'heure, alla faire pipi, puis tenta d'écouter L'Art de la fugue, mais décidément il n'aimait pas Bach. Il s'endormit, comme il l'avait souhaité.
Rufus Tucru rêve :
< L'esprit de Noël erre inlassablement. Il est à la recherche d'une proie. Il a l'aspect d'une petite flamme lévitant comme un mini-drone. Il jette son dévolu sur un gros bonhomme habillé en rouge nommé Joseph. Il se pose sur sa barbe – qui s'enflamme instantanément. « Ho… Hooo… », fait le gros homme en mourant.
L'esprit de Noël s'écarte et, se retournant, repère une jeune fille en costume de Marie, très jeune, 14 ans, peut-être. Il se glisse sous sa robe de mariée orientale, remonte le long de sa cuisse et…
— Mais !… Arrêtez ça tout de suite, intervient l'éditeur. C'est obscène. Vous n'avez pas honte de salir ainsi la magie de Noël ?!
— Appelez-moi Léon, réplique l'esprit de contradiction. Il s'éloigne, se met à la recherche de la féérie de Noël. Quand il l'a trouvée, il lui offre une poêle qui n'attache pas. (C'est pourtant pas la fête des mères.) >
(Note de l'auteur : J'aurais bien aimé écrire un joli conte de Noël "tout public", quand même… Mais je ne sais pas pourquoi, faut toujours que ça se barre en couille…)


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