lundi 2 février 2009

PONZI



LO N° 276 (02/02/09)
(Ce n'est pas encore la suite de la grande saga de l'argent-dette, mais ça en prend le chemin, à petites notes encore éparses)

ACHETEZ "MADE IN FRANCE"
Il est "amusant" de noter qu'en Europe, ce sont les plus "avancés" qui morflent la plus. Les plus ultralibéraux, comme la Grande Bretagne, et ceux qui ont connu le développement le plus spectaculaire, comme l'Espagne. Pays où (c'est amusant à constater aussi) le slogan : « Achetez "made in Spain" ! » commence à faire florès. Protectionnisme. On y viendra. Tout doucement et à reculons, mais on y viendra.

PRÉVISION RÉTROSPECTIVE
Ils sont toujours là, tous les jours, à la radio, à la télé, les euphoristes congénitaux du libéralisme avancé, des mots plein la bouche… Mais comment se fait-il qu'ils ne se soient pas suicidés, tous les Jean-Marc Sylvestre, Jean-Paul Fitoussi, Élie Cohen, Jacques Attali ou Jean-Pierre Gaillard, Nicolas Baverez, Alain Madelin et autres zécono-mystes, prophètes de la sainte croissance, tous qui, à les entendre maintenant, avaient prévu le krach 40 mais qui n'ont rien dit : « ils pensaient qu'on ne les croirait pas. » !
Il est, certes, plus facile de manipuler le passé que de prévoir l'avenir.

NÉGATIONNISTES
« Le libéralisme n'est donc pas la cause mais la solution à la crise du capitalisme mondialisé. » (Nicolas Baverez)
« La crise est la preuve que le marché se régule. » (Sabine Herold)
En bref, le capitalisme régulerait périodiquement ses déséquilibres par des purges. Le mot est sympathique, surtout pour ceux qui passent dans les chiottes avec l'eau de la purge en question. (Ceci dit pour changer de l'expression trop courante de "jeter le bébé avec l'odubin".)

CRISE DE NERFS
— Mais pourquoooiii le plan Aaaa marche jamaaaiiis…?!
— Et pourquoooiii on n'a jamaaaiiis de plan Bééé… ?!

— On fait quoi, alors, maintenant ?
— On improvise !


RÉPARER ?
« Ne cherchez pas la faute, cherchez le remède. » (Henry Ford, un vieux facho, pourtant.)
Quand tout est cassé, la surface de réparation sera-t-elle suffisante ?
Quand le marché ne marche plus, qui ou quoi marchera à sa place ?
Quand les produits dérivés dérivent de plus en plus loin, où s'arrêteront-ils ?
Un investisseur inversé, ça donne quoi ? Un exvestisseur ou un investissé ?
Oncle Sam'son (en la personne d'Obama) abattra-t-il les colonnes du temple Bourse ?
Un tradeur piqué par une araignée radioactive se transforme-t-il en Hulkerviel, ou en petit homme vert (de peur) ?
Et après les placements toxiques, y a-t-il des cures de désintoxication ?
Et la cicatitrisation, c'est long ?

RUSTINES
Après l'État patron et l'État providence, l'État brancardier. Pompier, aussi : « Les États sont comme des pompiers qui doivent éteindre les incendies puis rentrer dans leurs casernes. » (Philippe Manière) Merci l'État : tu répares les pots cassés puis tu retourne jouer aux tarots dans ta caserne.
Toutes les mesures destinées à régler la crise, très vraisemblablement, seront à peu près aussi efficaces que des rustines sur une jambe de bois… et ne feront que préparer la prochaine débandade économique.
« Face au monde qui bouge, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement ! » (Francis Blanche)
Tout remède risque bien de tomber dans un système boomerang : vous le lancez et, quand vous voyez qu'il vous revient dans la gueule, vous tentez de l'arrêter en lui lançant… un autre boomerang… et ainsi de suite — mais chaque fois plus près, jusqu'à ce que la proximité entrave toute nouveau geste de défense.
Une autre image ? Achille et la tortue, dans le bien connu paradoxe de Zénon d'Élée. Achille court deux fois plus vite que la tortue et il ne la rattrape jamais. On donne 100 m d'avance à la tortue, normal. Pendant qu'Achille parcourt ces 100 m, la tortue en a fait 50. Pendant qu'Achille parcourt ces 50 m, la tortue en fait 25, etc. Ceci sans fin, dans une courbe asymptotique qui ne finit jamais. Ainsi nous (Achille) irions de crise en crise (tortue), crises de plus en plus rapprochées, sans jamais arriver à les rattraper — c'est-à-dire à les dépasser ? (C'est évidemment biaisé parce que introduisant une discontinuité dans des mouvements continus et ne tenant pas compte d'éléments internes à chaque mouvement, tel que la longueur des pas d'Achille qui ne vont pas se rétrécir au fur et à mesure.)
Et justement c'est bien là le truc : au lieu de continuer à avancer de crise en crise de plus en plus rapprochées, il y a un moment où la société doit (peut) faire un grand pas par dessus la dernière crise. Un "grand bond en avant". (Cf Serge Halimi qui décrit l'établissement du libéralisme économique à la fin du XXè siècle comme "Le grand bond en arrière".)
Cela dit, je préfère le pas de côté au bond en avant – qui risque de se faire dans le vide.
Et d'abord, sans doute, arrêter la machine.

FOI
Rétablir la confiance, qu'ils disent. Mais ce n'est pas de la confiance, c'est de la croyance : on a envie de croire que nos placements peuvent rapporter ad vitam aeternam 10, 15, 20 % ou plus. De quoi s'agit-il, sinon de goût du merveilleux, de superstition, de pensée magique…? De religion ? Le philosophe Jean-Pierre Dupuy, qui sort "La Marque du sacré", nous le dit bien : la montée de l'économisme est synchrone à la perte de vitesse de la religion (occidentale), le "désenchantement du monde" (occidental). L'économisme capitalo-ultra-libéralo-financier nous proposait un nouvel enchantement, un nouveau sacré.
Mais en vain, enfin : cette nouvelle pyramide (de Ponzi) s'effondre.

PONZI
On a beaucoup raillé de cette escroquerie gigantesque de Madoff à partir d'un mécanisme aussi simplet. Mais il faut voir que, en fait, notre système de développement est tout entier une pyramide de Ponzi. La pratique qui consiste à rémunérer les premiers investisseurs avec l'argent des nouveaux suppose que l'on trouve (que l'on drague) constamment de nouveaux investisseurs, à l'infini.
Dans notre système économique-écologique, les investisseurs d'une génération (nous, par exemple) sont rémunérés par ceux de la génération suivante, qu'ils soient nés ou à naître : c'est tout l'art de la dette, que l'on considère ça du point de vue monétaire ou écolo : dette en pesticides, en OGM, en nucléaire, en gaz à effet de serre. Ils paieront.

PLANS DE RELANCE (j'adore le terme)
Je passe sur les projets, tant ceux du gouvernement que ceux de l'opposition : renflouer les banques ou relancer la consommation… aussi obscènes les uns que les autres. ("Pouvoir d'achat", qu'est-ce que c'est que cette notion à la con ?!)

LE POUVOIR D'ACHAT
La question du pouvoir d'achat est-elle vraiment une question d'achat, ou une question de pouvoir…? Triste de voir que la gôche n'a que ça à réclamer. L'achat serait-il le seul pouvoir dont nous disposions (peu ou prou), le seul signe de vie que nous réclamons, la seule valeur sociale, le seul "lieu d'être"…? (Baudrillard, en 68, publiait "La Société de consommation" — il y avait déjà tout…)

LE LIBÉRALISME ÉCONOMIQUE, à la base, c'est une jolie idée, une utopie, en fait, née au 18ème, siècle des Lumières et de Jean-Jacques Rousseau. Le libéralisme est un rousseauisme : il ne peut fonctionner que si l'homme est bon, moral, honnête. Je précise : que si TOUS les hommes sont bons, moraux, honnêtes. (Le communisme, pareil, d'ailleurs…)

Quand la "main invisible du marché" te frappe sur la joue droite, lui tendras-tu la joue gauche ?
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On peut aussi écouter Lordon, là (merci à Bati) :
http://tresdesprit.com/bati/mp3/La_crise_selon_le_professeur_Lordon.mp3

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