LO N°381 (31 mai 2010)
Terre battue de France
— Tsonga a abandonné, finalement…
— Jo-Wilfried, il souffrait du fessier.
— Ironie du sport.
— Séréna Williams prouve qu'une sacrée paire de nibards n'empêche pas de jouer au tennis.
— Sa sœur Vénus, elle, hurle à chaque frappe. Quelle famille !
— Le tennis, c'est bien joli, mais c'est quand même le foot qui est le principal sujet de conversation des mâles européens.
— Ça m'étonne pas.
— Les bleus en Tunisie : Thierry Henri est resté sur le banc de touche. S'il jouait, ce serait avec les mains attachées dans le dos.
— Heureusement qu'ils n'appliquent pas la charia, là-bas…
— Ensuite, à La Réunion contre la Chine, puis l'Afrique du Sud. C'est du tourisme extrême !
— Aller jouer au foot dans un pays où il y a 50 meurtres par jour, c'est gonflé, surtout pour une équipe à moitié blanche.
— Ou à moitié noire…
— Dans les deux cas, la remarque est raciste, j'vous f'rai dire…
— Avec ça la France organisera l'Euro 2016 de foot. « Réponse à la crise », dixit Machin. Faudra plein de nouveaux stades et ce qui va avec : routes, parkings. Bouyghes va se gaver.
— Et nous on va être gavés de foot.
— Bon, râlons pas sur tout : ça crée du lien social, il paraît.
— L'iPad est arrivé.
— C'est pour les iPadophiles.
— Foot + iPad : du pain et des jeux… Euh, pardon : des jeux et des jeux… sans pain.
— Sans iPain.
— La manif de vendredi a battu en retraite.
— Demi-succès ou demi-échec, on ne sait pas.
— C'est qu'il demi-pleuvait, aussi.
— Mais c'est aussi qu'on ne se mobilise plus dans la rue, maintenant, mais sur Facebook.
— Pour des apéros géants.
— Pas que. On peut aussi y dénigrer sa hiérarchie ou se faire interdire au Pakistan pour cause de caricature de Mahomet. Et puis, quand on aura tous un iPad, on pourra emporter son Facebook à la manif !
— Y a une application Taser, sur les iPad ?
— Tasernator, le retour. La Seine-Saint-Denis, c'est la jungle. Les petits porteurs prennent la fuite, abandonnant les aventuriers à la recherche de la cité perdue. Arlette à Malibu. Retraite de Russie…
— Et sur le rugby, rien ? Pourtant, Clermont-Ferrand, le bouclier arverne, tout ça…
— Et puis le rugby, c'est nettement plus fair-play que le foot.
— Facile, ils ont le droit de se servir de leurs mains, eux.
— Et puis y a l'accent.
— Et puis les maillots roses.
— Ah bon, je croyais que c'était la Gay Pride !?
— BP est sous pression.
— Tiens, ressers-moi un demi.
— Ça traîne. Tout le monde râle, genre « on nous cache quelque chose. » Mais on vous cache qu'une chose, ma bonne dame, c'est que nous, humains technologiques, ne nommes pas tout-puissants. Même problème que pour récupérer les boites noires du vol Rio-Paris par 4000 m de fond.
— C'est à qui, BP, en fait ? Le patron, c'est qui ?
— Mais y a plus de patrons ! BP, c'est aux actionnaires, c'est-à-dire à tout le monde. T'as un compte en banque ? BP t'appartient, t'es responsable !
— C'est pas juste, moi au moins, je lave mes ordures avant de les foutre à la poubelle.
BP disperse le pétrole au Corexit : le remède est pire que le mal
On reproche à B'O son manque d'action face au problème d'oil spoil : c'est que, en bon libéral, il clame : c'est la faute à BP, que BP se démerde. Ce n'est pas une question d'abandon des populations, reproche que l'on a pu faire à Bush lors de l'ouragan Katrina. Il n'y avait pas de coupable direct, là, juste des éléments de réflexion rétrospectifs : les digues mal entretenues, les habitations plantées dans les zones à risque (tiens, ça me rappelle quelque chose de plus récent, en France…)
Pour l'essentiel, c'était une "catastrophe naturelle" qui n'aurait fait de mal à personne si elle avait eu lieu dans une zone déserte, comme Rousseau l'avait dit pour le tremblement de terre de Lisbonne, mais, plus près de nous, comme Haïti, comme le tsunami… Les catastrophes ne sont des catastrophes que quand elles ont lieu dans des zones peuplées, très peuplées, trop peuplées.
Mais là, c'est bon : il y a un coupable tout désigné, avec son logo sur chaque baril. Pollueur = payeur. Que BP se démerde. Alors BP balance du Corexit.
Le détergent Corexit est un cache-misère. Déjà, il est fabriqué par NALCO, un client de BP – rien ne se perd. Il ne limite pas la pollution, il essaie de la cacher. Et en fait il l'augmente : les gouttes de pétrole ne disparaissent pas, y a pas de miracle, elles sont diffusées, éparpillées dans un volume d'eau encore plus grand. Sans parler des effets nocifs du Corexit lui-même... On est dans la même logique que dans la gestion de la crise financière : encore plus de dette pour résoudre le problème de la dette.
Au lieu d'une nappe qui flotte en surface, genre gelée, repérable et susceptible d'être arrêtée par des filets et des bouées, on a du sirop, une sorte d'émulsion de pétrole qui reste entre deux eaux. Les poissons absorbent et absorberont ce mélange de pétrole et de Corexit ; mais à plus faible dose que si le pétrole restait compact ; par conséquent ils ne mourront pas mais ils accumuleront les toxiques ; ils seront ensuite péchés et consommés par les humains, s'il en reste. En l'absence du Corexit les effets du pétrole seraient plus violents, sans doute, mais surtout plus visibles, car la nappe de pétrole compacte et flottante laisserait une meilleure chance de pouvoir la ramasser. Quant aux poissons, ils seraient vraiment intoxiqués, donc ils mourraient et ne seraient pas consommés.
— De toutes façons, d'ici 2050, il y aura plus de poissons.
— On a donc une nouvelle destination de tourisme extrême : après Afghanistan, Corée du Nord, Tchernobyl, Thaïlande, Grèce, Si-Chuan, Haïti, Chili, Abruzzes, Vendée… maintenant, Louisiane, Floride…
— T'as oublié Manhattan… Ground Zéro…
— Ils vont y construire une mosquée, il paraît…
— Avec deux minarets de 400 mètres de haut ?
— Et à Marseille, on va en construire une à la place des anciens abattoirs (!)
— Et puis n'oublions pas l'Indonésie, avec son volcan de boue, un véritable site d'attraction touristique !
Indonésie, 2006, Province orientale de Java. La compagnie PT Lapindo Brantas fait des forages à la recherche de pétrole ou de gaz. Son trépan perce différentes couches de roches, jusqu'à plus de 2800 m de profondeur. De-ci de-là, aux alentours, des éruptions se produisent : de la vapeur d'eau et du sulfure d'hydrogène H2S qui pue et qui est dangereux : cf algues vertes. Il semble que le forage ait agi comme déclencheur de décompression d'une poche de boue, dans un sous-sol déjà déséquilibré par l'activité sismique de la région. Depuis, c'est une sorte de volcan mou qui crache sa purée à la surface, une matière visqueuse, grisâtre et chaude, chargée en hydrocarbures et en métaux lourds.
Eruption au ralenti, tsunami au ralenti, explosion au ralenti.
Le "volcan de boue" de Sidoarjo a éjecté 50 000 m3 de boue par jour à ses débuts, un peu moins maintenant, semble-t-il, mais avec deux nouveaux cratères ; il a déjà recouvert plus de 700 hectares et une douzaine de villages. L'éruption risque de continuer pendant un temps qu'on ne peut déterminer (des décennies, pensent certains) et à ce jour, tous les efforts pour l'arrêter ont échoué. Les rivières sont polluées, les élevages de crevettes sont foutus, 40 000 personnes ont été déplacées, on construit des digues – qui se fissurent déjà : le sol s'effondre, des villages, des lignes à haute tension, des voies ferrées ou des routes sont englouties. (D'après Wikipedia et Good Planet)
— On dirait du Brussolo !
— Mais… des trous dans la terre, on en a toujours fait. Les puits, les mines…
— Des trous au fond des mers, c'est plus récent. Avant, on n'avait pas les moyens.
— Si la Terre était creuse on pourrait craindre que les océans s'écoulent vers son centre comme l'eau sale au fond d'un évier. Mais c'est le contraire qui se passe : il y a de la pression, là-dessous.
— Si ça se trouve, la Terre est pleine de pétrole comme une outre !
— Et de boue grise !
— Une valve, une bonde, un bouchon, un couvercle ! Vite !
— Mais B'O nous le dit : BP paiera les dégâts, et on fait des commissions pour que ça ne se reproduise pas.
— Mais ça s'est produit. C'est comme les meurtres suivis d'une loi sur la récidive, ou les guerres suivies d'un "plus jamais ça" ! Trop tard : ça s'est produit. On ne retourne pas dans le passé pour empêcher la catastrophe avant qu'elle se produise. Le crime contre la biogée a eu lieu, a lieu, aura lieu chaque jour et aucune loi anti-récidive n'y peut rien.
— Amen.
— Ta gueule !
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