LO N° 383 (11/06/10)
LE DÉRÉGLEMENT CLIMATIQUE ET SES NÉGATEURS - SUITE 15 (Suite des LO 359, 360, 361, 367, 369, 373, 376, 380 – pour ceux qui voudraient faire une reliure.)
L'OZONE (O3) - Réchauffement climatique et couche d'ozone
Les CFC sont connus pour leur propriété de destruction ou mitage de la couche d'ozone. Mais la destruction en question n'est pas une cause de l'effet de serre et du changement climatique. Cette confusion est largement répandue dans le sens commun, peut-être parce qu'on a alerté il y a déjà quelques années sur le danger de ce fameux "trou" dans la couche d'ozone dû aux CFC. Mais le vrai danger y lié est celui de l'arrivée d'un excès de rayons ultra-violets jusqu'au sol, or les UV, situés à l'opposé du spectre des infrarouges, ne chauffent pas : le risque des UV, c'est les cancers de la peau.
Par contre la campagne anti-CFC a marché : l'image médiatique d'un "trou dans une couche protectrice" a connu un franc succès. Cette image persiste dans nos consciences paresseuses au point qu'un certain Nicolas S., prétendu président, déclarait à NY en septembre 2009 : « Des scientifiques et des savants du monde entier se sont réunis des mois et des mois pour dresser un constat : le monde va à sa perte si on continue à émettre du carbone qui crée un trou dans la couche d'ozone et qui brise les équilibres de la planète. » Ce qui est vraiment n'importe quoi, mais on a l'habitude : déjà, un an avant, le même NS avait dit : « Chaque EPR qui remplace une centrale à charbon fait économiser 11 millions de tonnes de CO2. Hein, les émissions... là ... qui font le trou dans la couche d'ozone. »
De plus :
### Le 28 juillet 2009 sur France-Info, le Président de la Conférence d’experts sur la création de la taxe carbone expliquait ainsi les motivations de cette création :
« Le principe c’est que la Terre est protégée de radiations excessives du soleil par l’effet de serre, c’est-à-dire une espèce de protection nuageuse, enfin… protection gazeuse qui, dans l’atmosphère, est relativement opaque aux rayons du soleil et quand nous émettons du gaz carbonique ou du méthane ou du protoxyde d’azote – un truc qu’il y a dans les engrais agricoles – on attaque ces gaz. On diminue la protection de l’effet de serre et la planète se transforme lentement en poêle à frire. » Abondance de contrevérités : les gaz à effet de serre ne sont pas opaques mais largement transparents à la lumière solaire visible ; aucun des gaz cités n’attaque quoi que ce soit, l’effet de serre n’est pas un mécanisme chimique mais physique ; quand nous émettons du gaz carbonique, on ne diminue pas l’effet de serre, on l’augmente, même si c’est de très peu.
Vous aurez reconnu dans le propos en fait un mécanisme s’apparentant à celui de l’attaque de la couche d’ozone par les CFC… Une autre bataille menée il y a trente ans. Ce morceau d’anthologie de l’inculture scientifique pour un "président d’une conférence d’experts" témoigne d’une méconnaissance totale à la fois de l’effet de serre et de son coupable désigné, le dioxyde de carbone. Consternant. Affligeant. ###
Ce passage entre ### est de la plume de François Gervais, qui, sous le pseudo de "Physicien sceptique", avait apporté contradiction à ma LO N°359 telle que je l'avais publiée sur LeMonde.fr. le 20/02/10 (cf LO 361). Il a eu la curiosité de suivre mes LO et l'amabilité de me répondre personnellement de manière détaillée et scientifique, et encore l'amabilité de m'autoriser à le citer.
En effet, moi aussi, je ne peux que dire : "consternant, affligeant". Déjà l'image de la poêle à frire est inadaptée : le four ou la cocotte-minute tiendrait mieux le coup. Je reste quand même étonné, car le Président de la Conférence d’experts sur la création de la taxe carbone est ou était Michel Rocard, et que je l'ai entendu plus récemment sur France-Inter présenter le mécanisme de l'effet de serre et le rôle du CO2 de manière tout à fait correcte… mais c'était au moment de l'abandon du projet de taxe carbone et peut-être entre temps avait-il mieux appris sa leçon. S'il n'est pas un scientifique, Rocard est tout sauf un imbécile, me semble-t-il.
J'ajoute, puisque j'en suis aux dénonciations que Bernard Werber, dans sa nouvelle "Et l'on pendra tous les pollueurs" (dans le bouquin "Paradis sur mesure"), entretient une confusion déplorable entre effet de serre et trou dans la couche d'ozone. Il n'est pas le seul, certes, mais ce qui est endémique chez l'homme de la rue ou chez un homme politique n'a pas sa place chez un journaliste-écrivain scientifique.
Cela dit, personne n'est parfait et tout le monde peut se tromper.
Dans le livre de Greenpeace "Dessins pour le climat" (paru en 2005 sur papier recyclé et où je suis présent avec les deux couvertures du "Troupeau aveugle" de John Brunner), cette confusion est souvent présente aussi, avec nombre de mises en évidence de bombes aérosol, sans compter l'image de tours de refroidissement de centrales nukes émettant de gros nuages de fumée noire, et l'emploi étrange du terme de "consommation de gaz à effet de serre"… Un peu de rigueur ne fait pas de mal (c'est quand il y en a beaucoup que ça pose problème).
Cela dit, j'aime bien BW quand même et Greenpeace aussi.
Cela dit encore, il y a quand même des interactions entre l'ozone stratosphérique (et son trou) et le problème du dérèglement climatique. Pour en savoir plus, on peut aller de nouveau chez Jancovici :
http://www.manicore.com/documentation/serre/ozone.html
En très bref, question couche ozone : l'ozone "haut" (c'est-à-dire situé dans la stratosphère) absorbe les UV. Le trou est principalement sur l'Antarctique. Les responsables sont les CFC, le chlore, le brome. Le méthane n'y est pour rien, la pollution auto non plus.
Le trou contribue par la bande à l'effet de serre dans la mesure où les UV entraînent une réduction de la photosynthèse, d'où une diminution du rendement des plantes et du plancton, question absorption du CO2.
Réciproquement, le réchauffement est susceptible d'augmenter le trou dans la couche d'ozone en rendant plus actif (destructeur de l'ozone) le chlore dans la stratosphère.
Il y a donc quand même interaction entre les deux phénomènes.
Par ailleurs, les CFC ou halo carbures sont bel et bien des GES : en dehors de leur mésaction sur la couche d'ozone, et bien qu'ils existent seulement à l'état de trace dans l'atmosphère, ils possèdent une puissante capacité à retenir la chaleur. Les halo carbures compteraient pour environ 10 % dans le réchauffement actuel. Une molécule de CFC-11 est 12.000 fois plus active dans l'effet de serre qu'une molécule de gaz carbonique. Heureusement que le bagnoles et les vaches ne pètent pas des CFC… Ce qui veut dire que le trou dans la couche d'ozone ne participe pas, par lui-même, au réchauffement climatique, ou très peu, mais ce qui provoque l'un provoque aussi l'autre. Et les CFC sont bien d'origine anthropique (humaine) et même typiques du monde STIC (Science-Technique-Industrie-Commerce).
Quant à l'ozone "bas" (celui qui se forme dans la troposphère = les couches basses de l'atmosphère en été suite à la pollution automobile), il joue aussi un rôle de réchauffement. Et en plus pas bon du tout à respirer.
OXYGÈNE
En passant, tant qu'on est dans les gaz atmosphériques, un mot sur l'oxygène (O2). Lui, aurait plutôt le rôle inverse du CO2, c'est-à-dire un rôle refroidissant. Ou, au moins, son abondance serait corrélée à des périodes de refroidissement – mais cause ou conséquence, ou simple coïncidence ? toujours la même question. (Il y a constamment corrélation entre le prix du tabac et le prix de l'essence, mais y a-t-il un lien de cause à effet, et si oui dans quel sens ?)
Voir :
http://www.laterredufutur.com/html/modules.php?name=News&file=article&sid=995&mode=&order=0&thold=0
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COMPLEXITÉ (Comme dirait Edgar Morin)
D'après tout ça, on peut comprendre que l'évaluation et la prévision de l'état de l'atmosphère, son évolution et l'évolution de l'effet de serre, c'est TRÈS complexe ! De même que la question de la responsabilité : rien ne ressemble plus à une molécule de CO2 produite par nos poumons qu'une molécule de CO2 produite par le pot d'échappement de nos voitures.
D'où les incertitudes qui sont inhérentes à une démarche scientifique et les polémiques liées à l'exigence d'un consensus, ainsi qu'aux simplifications hâtives exigées par la communication médiatique s'adressant au grand public et aux experts conseillers des décideurs politiques.
RIGUEUR (C'est la mode !)
Mais l'écologie est d'abord une science – et complexe, on ne le dira jamais assez. La lutte écolo, contre changement climatique ou autres, doit se faire autant que possible avec rigueur scientifique, sauf à se retrouver invalidée. Ce qui nous ramène à la polémique entre réchauffeurs anthropiques et négateurs (ou anthropo-négateurs, parce que beaucoup ne nient pas le réchauffement lui-même, mais l'importance des émissions anthropiques dans ces changements climatiques.)
3 commentaires:
Ouah, merci professeur Caza pour ces mises au point. C'est fort bien dit, et fort intéressant. :)
Bon, quand est-ce que tu nous parles des cocolithophores et de l'hydrate de méthane, qu'on rigole un peu ?
Si si, tu sais bien l'espèce de glace à la noix de coco qui attend son tour pas bien loin sous la croûte terrestre sous-marine, et donc l'impact monstrueux sur l'effet de serre n'a même pas été pris en compte dans les scénarios réchauffistes les plus pessimistes...
Mais c'est les clathrates ! J'en ai déjà parlé en long et en large !
LO N° 134, 159, 332, 333, 345, 376, 380 !
Ooops... My mistake... ;)
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