LO N° 418 (29/10/10)
LE DÉRÉGLEMENT CLIMATIQUE ET SES NÉGATEURS
SUITE 22 (Suite des LO 359, 360, 361, 367, 369, 373, 376, 380, 383, 387, 397, 398, 399, 402, 406)
Vu que l'Académie des sciences vient de publier, à l'usage de madame Pécresse, un rapport qui, en gros, confirme les thèses du GIEC, et que même Claude Allègre s'est vu forcé de signer, je me dis qu'il serait temps de reprendre ma saga des négateurs et des anti-négateurs.
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CANICULES ET SÉCHERESSES
Si l'année 2003 est apparue comme exceptionnelle avec ses 15 000 vieux séchés sur place, l'année 2010 se présente pas mal non plus. La météo d'été réjouit les vacanciers, mais moins les paysans. C'est la dictature urbaine : le citadin (parisien, sinon rien) en vacances ou en week-end veut du soleil pour entretenir son cancer cutané (ce n'est pas une grossièreté). Le paysan, lui, ce plouc attardé, veut du foin pour ses vaches (Ha-ha!) ou voir pousser son blé (Ha-ha-ha!). Qu'on lui donne de la brioche.
Et donc, avec le réchauffement climatique, les étés cumulonimbustes et caniculaire (et cunilinguistes ?) risquent de devenir la norme annuelle.
# COMMENT LA VÉGÉTATION, DE PUITS DE CARBONE, PEUT SE TRANSFORMER EN SOURCE.
Canicules et sécheresses menacent de "booster" l'effet de serre. (Extraits)
… D'après les modélisateurs simulant, sur leurs supercalculateurs, les interactions entre climat, végétation et CO2, il apparaît qu'à l'échelle de l'Europe la production végétale a chuté de 30 % en 2003 par rapport à 2002, dans les peuplements forestiers comme sur les surfaces cultivées. Une baisse sans précédent au cours du siècle écoulé. Conséquence de cette anémie, une réduction considérable de la quantité de carbone stockée dans la biomasse.
Face aux fortes chaleurs et, surtout, au stress hydrique, les plantes adoptent en effet un mécanisme de défense qui leur permet de limiter leur évapotranspiration et d'éviter de dépérir. Elles ferment les stomates de leurs feuilles, ces minuscules pores par lesquels s'effectuent les échanges gazeux avec leur environnement. Résultat : une photosynthèse ralentie, donc une quantité de CO2 absorbée moindre. Et même, dans le cas présent, largement inférieure à celle émise par la respiration des végétaux. (J'ajoute que chez moi, sur le micocoulier, un arbre typique des régions méditerranéennes, ça se voit à l'œil nu : aux heures les plus chaudes, l'arbre replie à moitié ses feuilles sur elles-mêmes "pour" offrir moins de surface à l'évaporation. Conséquence pour moi : l'ombre en dessous est beaucoup moins fraîche que je le souhaiterais… C'est con.)
En 2003, "l'année de la canicule", les écosystèmes européens ont relâché dans l'air quelque 500 millions de tonnes de CO2. Soit l'équivalent de quatre années de séquestration du même gaz par la végétation.
Ces conclusions inattendues vont sans doute obliger les climatologues à revoir leurs modèles. Ceux-ci prédisaient plutôt que le réchauffement climatique aurait pour effet, en Europe et aux latitudes tempérées, d'allonger la saison de végétation active et de stimuler la flore. Les forestiers en avaient observé des signes avant-coureurs : au cours du dernier demi-siècle, le volume de bois sur pied des forêts européennes a augmenté de plus de 40 %.
L'article de Nature met en fait en évidence l'impact sur les écosystèmes, non pas d'un réchauffement global, mais d'une canicule et d'une sécheresse exceptionnelles. Il n'en sonne pas moins comme un avertissement, dans la mesure où l'une des répercussions attendues du changement climatique global est, précisément, la multiplication d'épisodes extrêmes. (Canicules et sécheresses).
« Si, comme les climatologues le prévoient, le réchauffement planétaire se traduit notamment par une augmentation de la fréquence et de l'intensité des sécheresses, on peut alors penser que la végétation sera moins efficace qu'elle ne l'est aujourd'hui pour limiter l'effet de serre », commente André Granier.
A l'échelle de la planète, les experts estiment que le manteau végétal permet aujourd'hui de capturer entre 10 % et 20 % des émissions humaines de CO2. Ce bouclier vert risque donc de se transformer en menace. De "puits" (capteur) de carbone, « les écosystèmes des régions tempérées pourraient se muer en sources de carbone ».
Cette nouvelle étude s'ajoute aux récents travaux de chercheurs britanniques qui, dans Nature également, décrivaient comment, sous l'effet du réchauffement, les sols libèrent du carbone par millions de tonnes (Le Monde du 09.09.05).
(Pierre Le Hir. Le Monde, 25.09.05)
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DÉFORESTATION
Une forêt mature est un réservoir ("puits") important de carbone. La disparition de surfaces toujours plus grandes de forêt au profit de cultures ou de pâturages a pour effet de réduire l'absorption de CO2 atmosphérique. En effet, à surface égale, la biomasse d'un pré est beaucoup moindre que celle d'une forêt. Replanter, c'est bien, mais la pousse de jeunes arbres ne peut pas absorber autant de carbone qu'en génère la dégradation des arbres morts).
Donc défricher pour semer des céréales ou de l'herbe à vache, donc pour nourrir les gens, c'est pas bon.
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Et quand c'est défricher pour nourrir les bagnoles, c'est pire.
LES AGROCARBURANTS
# Conjuguée aux problèmes de réchauffement, cette ruée vers l’or vert peut-elle entraîner une multiplication des crises alimentaires ?
— Les urgences alimentaires ont augmenté depuis le milieu des années 1980. De quinze opérations par an, on est passé à trente opérations annuelles depuis l’an 2000. Le changement climatique va accentuer cette tendance. Il va affecter en particulier les plus démunis, les petits agriculteurs et les pasteurs nomades qui dépendent directement d’une agriculture pluviale. En Afrique, 55 à 65 millions de personnes supplémentaires risquent de souffrir de faim vers 2080, à cause d’une élévation de température d’environ 2,5 °C. La bioénergie vient se rajouter à ce problème déjà très complexe : elle pose la question de l’utilisation des ressources naturelles. La disponibilité, l’accès, l’offre et l’utilisation des aliments pourront être affectés par l’expansion des bioénergies. # (Jacques Diouf, directeur de la FAO, interrogé par Christian Losson dans LIBÉ, lundi 23 juillet 2007)
Réchauffement climatique et faim dans le monde, même combat. Les deux problèmes se mordent la queue l'un l'autre !
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LES ZARBS
Durant l'été 2009, un peu par hasard et par l'intermédiaire de La Gazette de Montpellier, j'ai pu être au courant d'échanges entre Gérard Duvallet (Professeur Emérite Université Paul-Valéry Montpellier3, je passe ses autres titres scientifiques, orientés écologie) et Christian Dupraz,
Directeur de Recherche INRA (spécialiste d'agroforesterie)
et porte-parole des Verts de Montpellier.
Gérard Duvallet dénonçait un tract des Verts (pour qui il avait voté aux européennes) : « Dites NON au massacre des platanes de l'avenue de Lodève », dont il considérait les arguments comme fallacieux. (Cet abattage est lié à la construction d'une troisième ligne de tram à Montpellier). Il précisait : « Les platanes de l’avenue de Lodève ont atteint leur pleine croissance depuis longtemps et il est dommage que vous n’indiquiez pas leur bilan carbone (excédent d’émission de CO²) et leur état de santé. Alors abattre ces arbres pour les faire entrer dans la filière biomasse et replanter des arbres jeunes – puits de carbone –, pour le développement d’un transport urbain collectif moins polluant que les centaines de véhicules qui passent là chaque jour… c’est de l’écologie responsable. »
Christian Dupraz lui répondait : «
… Les platanes de l'avenue de Lodève, comme tous les arbres fortement et régulièrement élagués du monde, ne sont pas en équilibre du point de vue du bilan de carbone. Ils ont au contraire une forte croissance après chaque élagage, permise par une système racinaire puissant. Ils sont fortement fixateurs nets de carbone. A l'inverse, de jeunes arbres (comme les 11 malheureux arbres promis pour remplacer les 35 géants) auront, au cours des prochaines décennies, un bilan de carbone extrêmement faible.
L'enracinement profond des arbres permet de stocker beaucoup de carbone dans le sol, surtout pour les platanes, qui plongent leurs racines dans la nappe souterraine, et qui ont des racines très profondes, à durée de vie assez courte à cause des variations du niveau de la nappe. Ces arbres injectent donc du carbone dans le sol profond, et c'est tout bénéfice pour le climat.
Par ailleurs le bilan de carbone d'arbres centenaires abattus aussi sauvagement, sans aucune utilisation noble du bois, est totalement catastrophique : les 100 tonnes de carbone contenues dans les 35 arbres abattus vont retourner très rapidement dans l'atmosphère, quelle que soit la filière d'utilisation de leur biomasse. »
Et Gérard Duvallet de lui répondre alors : « Merci pour votre réponse et les précisions apportées. Je reconnais mon incompétence sur le sujet et je retire mon message initial. Bien cordialement. »
Remettons donc les bilans carbone à l'heure !
J'ajoute que Monsieur Duvallet, dans notre échange de mails, a précisé à mon intention : « Pour être complet, concernant le bilan carbone : pour une forêt méditerranéenne, non soumise à l’élagage annuel, le bilan annuel est négatif : la forêt est émettrice de CO², d’où l’intérêt de replanter des arbres jeunes. Ce n’est pas le cas pour les arbres urbains, soumis à l’élagage, comme l’explique M. Dupraz. »
Quel bonheur de voir un scientifique reconnaître son erreur, ou son incompétence sur un sujet pourtant proche de sa spécialité. Ça s'appelle de l'honnêteté intellectuelle et c'est plutôt rare, en tout cas chez les scienti-médiatiques.
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