mercredi 11 juin 2014

Illusion


Spinoza déjà voit qu'il y a une illusion de la volonté et de la conscience, une illusion de l'identité de soi, de se voir comme sujet personnel, illusion de croire découvrir son essence indépendamment ou antécédemment de ce que l'on est en acte. Pour lui, l'essence de quelqu'un ou de quelque chose n'est autre que sa puissance (sa capacité à être et à durer , qu'il nomme le conatus).
(J'aurai surement à revenir sur Spinoza et son conatus. En attendant : Conatus vient du verbe latin conari = s'efforcer de -, dont il reste en français l'adjectif conatif. [Grand Usuel Larousse : Conatif = 1. Qui se rapporte à la volonté et à l'effort. 2. Se dit d'une forme verbale propre à exprimer l'idée d'effort.] — Ainsi conatus dénote l'effort et, plus, si je puis dire, l'efforcement, c'est-à-dire l'effort prolongé ou même le s'efforcement, puisqu'il s'agit bel et bien de s'efforcer et de s'efforcer pour soi. [Grand Usuel Larousse : S'efforcer = tendre toutes ses forces, tenter de faire quelque chose en employant tous les moyens dont on dispose, en faisant des efforts ; tâcher, essayer, tenter.])
Cette idée est « à la fois rassérénante et déprimante, désinhibitrice et aboulique, déculpabilisante et déresponsabilisante » (Pierre Zaoui. "Spinoza – la décision de soi". Bayard 2008). Il n' y a pas de moi, quel soulagement, quel allègement !… et quel vide ! (Y compris sur le plan moral…) Tout est possible, tout est faisable, je peux tout faire… mais pourquoi et comment faire quoique ce soit…? Ou faire ceci plutôt que cela…? Et ça peut aller jusqu'à : Je ne suis coupable de rien, puisqu'il n'y a pas de JE… Je ne suis responsable de rien, même pas de moi, puisqu'il n'y a pas de MOI. (Ce qui devrait amener à parler morale, moralité, mœurs, éthique…)
(Total : la dépression ou la légèreté, c'est-à-dire la liberté, c'est-à-dire la possibilité de l'acte gratuit.)
Plus simplement, nous ne sommes rien d'autre que nos actes. (Je me répète sans doute, mais c'est que ces idées ne sont pas vraiment faciles à avaler, pas tant que ce soit difficile à comprendre, mais surtout à admettre… il y a un renoncement à avaler… une "blessure narcissique" à supporter…)
Il n'y a pas d'"essence", pas d'"être" (l'être est le néant…) seulement de l'activité, de l'action, de l'acte, du faire. Même passif, dans le repos ou l'inaction apparente : respirer, c'est déjà faire quelque chose. C'est-à-dire échanger avec son environnement, modifier son contexte. Quand je parle d'acte ou d'action, ce n'est pas forcément rapide ou agressif, destructeur ou constructif, ce n'est pas forcément conscient ni volontaire ou consciemment volontaire, quand je dis faire, ce n'est pas forcément fabriquer quelque chose. L'animation (être animé, être vivant, vivre…) suffit. Vivre est agir. Du plus simple et discret au plus grandiose. Une herbe pousse : action. Un enfant grandit : action. Je pense : action. Un chef d'entreprise bâtit (fait bâtir) un pont : action. Etc.
De plus, aucun acte n'est purement individuel, personnel, fermé sur un sujet. Tout acte est un échange avec l'environnement : l'herbe qui pousse absorbe de l'eau de pluie, du rayonnement solaire, des sels minéraux, bouscule (agressivement ?) les grains de terre autour d'elle, absorbe du gaz carbonique, rejette de l'oxygène. Même quand je me contente de penser dans ma tête, sans parler ou écrire, je modifie mon environnement : je brule de l'oxygène, des calories, et (n'oublions jamais le temps) je projette de futures paroles ou écrits.


1 commentaire:

Unknown a dit…

Oui Spinoza nie le libre arbitre en antéposant l'essence à l' existence et il nous renferme dans le déterminisme. Mais pour dans la contingence prédéterminée, parmi la multiplicité des chois et des replis infinis du monde dont parle Leibniz on a le chois. Une mauvaise lecture de Leibniz nous dis que, quoi qui l'on soit notre chois est déjà prédéterminée par dieu; je préfère penser que c'est lui, dieu, ou son idée à s'adapter après coup a notre chois car il ne serais rien sans nous car c'est l'homme qui l'a crée, ou alors il faut démontrer le contraire-On dit que Descartes n'a pas êté assez convaincant et Pascal non plus.
L'existence précède l'essence nous dit Sartre en nous mettant face a notre liberté, c'est elle qui nous terrorise. Prendre une décision est déjà un acte de courage.