dimanche 29 juin 2014

L'humiliation et l'orgueil


L'humiliation du Chrétien, c'est d'avoir été créé, c'est-à-dire d'être un jouet, une marionnette – cf Job.) Mais l'orgueil compensateur, c'est d'avoir été créé "à l'image de Dieu", donc différent de tout le reste de la "création" et supérieur à tout le reste, ce n'est pas rien !
L'homme existentialiste, sujet de lui-même, refuse l'idée d'avoir été créé (il a raison, c'est idiot), mais il refuse en plus d'avoir une histoire (darwinienne, génétique, culturelle) et finalement d'être inclus dans le flux des causes et des effets : le déterminisme. Admettre le déterminisme ferait de lui un objet, à nouveau, il serait agi par le monde, les causes passées, il ne serait qu'un phénomène soumis aux phénomènes, une marionnette, là encore, dans les mains d'un destin implacable qu'on ne peut même pas prier (ni crucifier histoire de se défouler). Là encore, on subirait l'humiliation métaphysique, la blessure narcissique.
L'orgueil prométhéen de l'existentialiste c'est de se prétendre né de lui-même, autogéniteur tout au long de sa vie… et, tout autant que le chrétien, différent du reste du monde et supérieur au reste du monde puisque lui seul est libre, de cette majestueuse Liberté Métaphysique que tout le reste (soumis au déterminisme) lui envie. (Très mégalo, non ?)
Décidément l'homme sartrien est hors-sol !
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Le sujet
Bref, « il n'y a pas de nature humaine puisqu'il n'y a pas de Dieu pour la concevoir. » Il faut croire que l'idée (platonicienne) de "nature humaine" que Sartre refuse est bien loin de la nature tout court, de la biologie, de l'hérédité, de l'évolution des espèces…
Son "l'homme" n'est donc en rien "objet", mais sujet, forcément sujet. (Pourtant le terme est équivoque ! En dehors du sujet au sens grammatical, on peut parler du sujet d'une thèse ou d'une étude ou d'un tableau (ce qui désignerait plutôt un objet) … ou du sujet d'un roi !… soit l'idée d'être assujetti, la sujétion, ce qui est exactement le contraire du sujet en tant que l'homme libre, autonome, actif, "qui se jette vers un avenir", qui est d'abord un projet, qui se fabrique lui-même… )
Une conséquence intéressante de cette conception d'homme sujet (au sens positif, actif) de lui-même, c'est que nos actes, en créant l'homme que nous voulons être, créent en même temps une image de l'homme tel que nous estimons qu'il doit être. Ceci aura forcément des conséquences morales, voire moralistes, et sociales, et politiques. (Et il faudra bien évoquer à nouveau la filiation avec Kant et son "impératif catégorique" et la vaste question de la responsabilité.)
Disons déjà simplement que la réciprocité, c'est bien : si je suis libre, sujet actif de ma vie, je veux que tous soient libres ; si je fais du bien à quelqu'un, je veux qu'il soit à même de me faire du bien ; si je me refuse à mentir à quelqu'un, cela suppose que lui non plus ne me mente pas. Ce que je choisis est toujours (censé être) le bien ; partant, ce qui est bon pour moi ne peut être que bon pour les autres… Notre action responsable engage l'humanité entière… Ouais… On est vraiment dans l'idéal, dans la pure théorie. Si je me marie c'est que j'approuve le principe du mariage et donc, logiquement, que je le veux pour tous…? Si je fume, je veux que tout le monde fume ? Obligé ?
Disons que je veux au moins que tout le monde ait, comme moi, la liberté et l'opportunité de se marier ou pas, ou de fumer ou pas, rien de plus. (Mais, moins théoriquement, on peut tenir compte de l'exemple donné, du mimétisme.) 


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