samedi 21 juin 2014

Watts'up, doc ?


Alan Watts : « Le "moi", comme l'argent, n'est qu'un concept, un symbole, voire un mirage ; ce n'est ni un processus biologique indépendant ni une réalité physique. »
D'après Alan Watts : En tant qu'organisme, l'homme est au monde extérieur ce qu'un tourbillon est à un fleuve. Lorsqu'il se définit et se vit en tant que personnalité, "moi" autonome, l'individu n'a pas conscience du fait que son corps (et tout son être) forme "un agrégat dynamique d'énergie", disons un organisme ou un processus physiologique… et, qui plus est, un processus  qui ne fonctionne pas tout seul. Cet agrégat, ce corps vivant, n'existe qu'en interaction avec des myriades d'autres corps, d'autres organismes : animaux, plantes, insectes, bactéries ; ainsi que des éléments non vivants : minéraux, liquides et gaz, rayonnements, pesanteur… L'auto-définition de la personnalité et la conscience immédiate du "je" restent généralement ignorantes de ce type de relation organique. Le "moi" peine à s'identifier à l'organisme vivant. Il en est un épiphénomène. Le travail de conscience élargie va être de se rendre compte de la relativité de toutes les choses et de tous les évènements, dont soi, c'est-à-dire de leur interdépendance.
Vous dites : "Je suis venu au monde." Mais non : vous en êtes sorti, comme une branche sort d'un arbre, vous avez émergé au sein du monde, vous n'êtes pas "venu d'ailleurs". Vous venez du monde, vous êtes du monde…
« Un corps vivant n'est pas un objet immuable, mais un évènement qui évolue, comme une flamme ou un tourbillon. »
Tourbillon : il n'est pas l'eau du fleuve, il est quelque chose qui arrive à l'eau du fleuve, quelque chose qui se passe avec l'eau du fleuve, un évènement, un processus. Sa forme est constante, durable, alors même que la matière en jeu (l'eau) se renouvèle sans cesse. C'est une structure, ou une structuration locale du flux aquatique. En ce sens, le mot "tourbillon" est trop fixe, statique, réifiant (c'est un nom, un substantif = ce qui désigne une substance, de la chose),  il vaudrait mieux – si ce n'était si lourd – parler de "tourbillonnement", qui exprime une action, un "geste de l'univers"…
On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, disait Héraclite. Pourtant cela dépend de la définition du mot "fleuve". Le fleuve, ce n'est pas les molécules d'eau qui y coulent, se renouvelant sans cesse, jamais les mêmes, effectivement ; ce n'est pas ses rives, son lit, ses poissons, son débit, son tracé de la source à l'embouchure… c'est tout cela… et donc non pas "une chose" ou "de la chose", substance, matière, objet… mais un concept pratique pour penser et parler. Ce qui ne l'empêche pas de représenter une réalité.
Alan Watts : « Ce que l'on appelle "choses" sont en réalité des gestes de l'univers, c'est-à-dire un système d'énergie qui est en réalité le seul "moi" que nous possédions, mais que nous ne pouvons définir ni classifier. »
Ainsi, la question "Qu'est-ce que "moi" ?" est comparable à la question "Qu'est-ce qu'un tourbillon ?", ou "Qu'est-ce qu'un fleuve ?"
(Les citations et paraphrases d'Alan Watts sont tirées de "Matière à réflexion", années 60-70.)

2 commentaires:

galien a dit…

Y a quelques années j'ai rencontré un archéologue spécialisé dans les mégalithes.
C'est intéressant ces concepts de place dans l'univers et il me l'a fait découvrir grâce à ces blocs de plusieurs tonnes, dressés depuis des millénaires.
Que suis-je, qui suis-je ?
Le tourbillon temporel et le petit bloc d'atome que nous sommes ne sont pas grand chose à la vue de l'univers, mais ce n'est pas rien : je ne suis qu'un homme. Mais je suis un Homme.

Et puis sinon j'aime beaucoup vos travaux que je suis depuis tout petit, probablement un auteur de BD que j'ai découverte avant Astérix !
Bonne continuation

Philippe Caza a dit…

Merci !