vendredi 12 février 2016

Justice et civilisation


• Le temps présent est un 11 septembre permanent… La fin du monde, c'est maintenant…
Bruno Étienne, après le 11 septembre 2001, parlait des "amants de l'apocalypse"… Ils en veulent à l'Occident ? Certes, mais plus : adeptes d'une secte apocalyptique, ils en veulent à l'humanité, à tous les sens du terme. Et donc l'humanité doit les combattre, en finir avec, les détruire.
• Mais nous, on est bien gentils, bien tolérants, pas si racistes qu'on veut bien le dire (d'ailleurs, voyez, depuis les attentats, on se tient plutôt bien, pas d'amalgame ! Il n'y a pas eu un déferlement de haine antimusulmane, de ratonnades, comme on disait à une autre époque pas si lointaine, d'incendies de mosquées et d'arabes jetés à la Seine…). (Les Corses, calmez vous !) Des incidents, oui – toujours trop, bien sûr – mais pas des massacres.
C'est que nous sommes tous des objecteurs de conscience. Parmi les morts du Bataclan et des terrasses voisines, il y avait 129 objecteurs de conscience. Tous non-violents et pour la non-violence. Tous pacifistes… comme dans les années 30. 
• Quand les navy seals ont éliminé Ben Laden, Obama a dit « Justice est faite ». C'est ce qu'on disait quand la tête du condamné tombait dans le panier de la guillotine. Ce n'était pas "la justice", en fait, juste de la vengeance. Ou de la dératisation.
Ici, dans la situation post-13 novembre, les tueurs qui ne se sont pas explosés d'eux-mêmes sur place ou été éliminés par le raid, qu'est-ce qu'on en fait ? La loi, la justice, ça ne veut pas dire la punition (le châtiment !) ou la vengeance. La justice, c'est ce qui se tient sur la frontière entre les faits et la culture locale. (Locale, parce qu'il n'y a pas de justice dans l'absolu.) Elle n'émane pas de Dieu ni de l'individu mais de "la société" (l'État, les lois instituées…)
Une facette de la justice est de l'ordre de la punition.
Une autre de la dissuasion (on espère calmer les velléités des autres criminels potentiels par la crainte de la punition – la fameuse peur du gendarme).
Une autre serait la réhabilitation des criminels – il arrive que ça marche.
S'y ajoute ce que souvent on ne veut pas voir et dire parce que c'est cyniquement pragmatique, à l'américaine, ce que j'ai nommé plus haut "dératisation" : il s'agit de retirer de la circulation des éléments jugés dangereux pour la société et qu'on ne sait pas soigner. La loi sur la récidive, la rétention de sureté, c'est ça… ce n'est ni de la morale ni de la justice, seulement du principe de précaution. Si ce n'est pas humaniste envers les coupables, on peut trouver ça humaniste envers les victimes et les virtuelles futures victimes. En ce sens, la possibilité donnée par la loi de déchoir de la nationalité française (et d'expulser, bien sûr, sinon à quoi bon ?) les auteurs d'attentats ayant la double nationalité, quelle soit de naissance ou acquise, serait un moyen a minima de débarrasser le territoire de quelques "traitres à la patrie" et restant potentiellement dangereux. Mais… voir un article précédent et quelques échanges sur FB, et quelques informations pêchées ici et là depuis : total : loi inapplicable, qui de toute façon ne concernerait que quelques cas.
(Par contre qu'on n'aille pas me dire que depuis qu'on discute de ça, tout à coup, les malheureux gamins binationaux ou simplement issus de l'immigration ne se sentent plus français à part entière. Essayez de voir ou revoir le docu "Les Français, c'est les autres", vous verrez si depuis 10, 20, ou 30 ans qu'ils sont ici et étiquetés "français" sur le papier, ils se sentent français… Pas un.)
• Mais bi- ou mono-français, on ne peut pas faire des apatrides, parait-il. (Les binationaux, en fait, c'est des veinards : ils ont un autre pays, on ne les abandonne pas dans les eaux internationales…) Et pourquoi pas faire des apatrides, après tout ? D'abord, le mot est assez joli… comme athée. On prendrait un coin du monde dont personne ne veut, une ile déserte, on la déclarerait patrie des apatrides, l'Apatridie ou l'Apatristan et on les installerait tous là. (De préférence une ile qui culmine à un mètre au dessus du niveau de la mer, histoire que le réchauffement climatique règle la question, à long terme. Sinon, l'ile de Pâques… ou l'Islande… Je dis ça méchamment, pour faire mon malin, mais en fait, une Apatridie serait une sorte d'utopie intéressante…) Et, c'est amusant, Taubira, dans son pamphlet (que je n'ai pas lu) se demande aussi « Que serait le monde si chaque pays expulsait ses nationaux de naissance considérés comme indésirables ? Faudrait-il imaginer une terre-déchèterie où ils seraient regroupés ? » (Déchu = déchet de la République…?)
Amusant aussi, dans le dernier Psiko, Caritte fait une page montrant le sort d'un expulsé : son autre pays n'en veut pas non plus… Suit une sorte de match de tennis où il se fait renvoyer d'un pays à l'autre parce que personne n'en veut… jusqu'au moment où il n'a plus le choix : il ne peut atterrir qu'au Califat, puisque ce n'est pas un pays… et puis Daesh veut bien de lui, même qu'on lui offre une ceinture…!
Et par la même occasion, on devrait y expulser, dans cette Apatridie (ou chez Daesh), les financiers et entreprises binationales voire multinationales hébergées fiscalement dans des paradis offshore, et des Depardieu et consorts qui ne savent plus très bien s'ils sont français, belge ou russe…
Sinon, quoi ? La prison à vide ? Rétablir la peine de mordre ? L'élimination discrète ? L'épilation intégrale ? Pas très civilisé, tout ça, je sais…


1 commentaire:

Georges a dit…

Rappelons la phrase de Saint-Just : "Pas de liberté pour les ennemis de la liberté". Comment pourrait-on être civilisé avec des ennemis déclarés de la notion même de civilisation?