mercredi 11 mai 2016

L'État providence d'urgence


Si nous sommes en colère, c'est aussi contre un État pas assez providence… qui ne nous a pas assez protégés. Ou trop…?
Le gouvernement et ses hommes politiques sont en question… trop occupés, semble-t-il à se précipiter sur les primaires, à baver sur les manifestants ou à vendre des armes aux pays du Golfe. C'est surtout notre rapport au gouvernement, aux gouvernants, à l'État, aux instances officielles en général qui est en question. Notre grosse perte de confiance, comme une maladie endémique. (Déjà quand la neige bloque les routes, on se scandalise : que fait le gouvernement ? L'État – papa/maman – n'est-il pas là pour nous protéger ? On paye des impôts, non mais sans blague !…)
L'état d'urgence rassure-t-il ou accroit-il la peur ? Ça dépend sans doute pour qui… Ce ne sont pas forcément les mêmes qui réclament la sécurité et ceux qui protestent contre les lois sécuritaires… De manière quelque peu simplificatrice, on pourrait dire que les gens de droite, très sécuritaires, sont rassurés par l'état d'urgence et les gens de gauche, extrême gauche, anars, tellement fans de leurs libertés, sont apeurés. À moins que ce soit (aussi) une question d'âge… Quand on est jeune on n'a peur de rien. Quand on a un boulot stable et des enfants, on demande plus de sécurité. Quand on est vieux, par contre, ça devrait être le contraire : passé 80 ans, on n'a plus grand chose à perdre.
L'État nous fait croire qu'il peut nous protéger absolument. Il devrait admettre que non. Ce serait finalement plus rassurant. Et puis on n'a pas besoin d'être rassurés, on n'est pas des bébés, on a besoin d'être renforcés. C'est un problème parce qu'on n'a plus confiance en l'État ni en l'armée ni en la police, trop facilement baveuse.
« Toutes ces mesures sécuritaires issues du "cirque médiatico-politique" prennent le pas sur les réformes de fond qu'il faudrait faire », dit-on aussi. D'accord, mais les réformes de fond, ça met dix ans à s'inventer et se mettre en place et une génération à faire effet. En attendant, faut bien des rustines – d'urgence – type "principe de précaution". (Et puis quand quelqu'un propose des trucs positifs, un vrai travail social sur le long terme, comme le revenu de base pour tous, on le traite d'utopiste rêveur naïf ou cryptocommuniste attardé. Cf. articles précédents sur le service civil et le serment de citoyenneté.)
Mais cette protection (sécurité) que nous réclamons a un prix en retour. Et quand il s'y met, l'État, vaillant, guerrier, on crie à l'atteinte à nos libertés, à notre vie privée. Est-ce le prix à payer…? C'est que la protection de notre vie privée s'oppose à l'exploitation et au partage de nos données personnelles : même si on les lâche sans prudence sur les rézosocio, on ne veut pas d'une NSA ni d'un FBI européen à même de fouiller dans nos ordinateurs et téléphones. (Pour un FBI, il faudrait déjà que l'Europe soit une fédération…)
Serions-nous illogiques ? Du type "faudrait savoir ce qu'on veut !"… Ça fait partie de la situation de double contrainte qu'on retrouve un peu partout, ce balancement entre besoin de sécurité et exigence de liberté.
Bilan
« Maigre bilan de l'état d'urgence », parait-il. Sans doute certains aimeraient-ils que la police déchainée ait fait des millions de perquisitions, d'arrestations, découvert des millions de caches d'armes… Ben non, quelques centaines, quelques milliers – c'est déjà pas mal.
C'est peut-être que la menace est très très bien cachée… ou alors qu'elle n'est pas si grave qu'on le croyait, finalement… qu'il n'y a pas tellement de terroristes potentiels en France… qu'on a déjà chopé le plus gros et qu'il faut attendre maintenant des retours de Syrie, des exilés de Molenbeek, des sortant de prison radicalisés…
Si l'état d'urgence a déjà permis d'arrêter plus de trafiquants de drogue que de djihadistes, il ne faut pas s'en plaindre. D'ailleurs ce sont les mêmes. Combattre le trafic de drogue ou combattre les djihadistes, c'est le même combat.
— Et les marchands de bougies à fondue, tu ne crois pas qu'ils ont un deal secret avec les terroristes ?
Leur argent
Les terroristes qui frappent ici en Europe, on ne pose jamais, me semble-t-il, la question de leur argent. D'où tiennent-ils le fric pour les armes, les explosifs, les faux papiers, les voyages en Syrie aller-retour ?
— C'est Daesh qui leur envoie des valises de billets gagnés par la vente du pétrole et des musées pillés.
— Tu es sûr ? Plus vraisemblablement, ici, en France ou en Belgique, ça vient du deal de drogue et de diverses rapines.
— S'ils étaient vraiment de bons musulmans, ils utiliseraient cette richesse à construire des mosquées et à aider leurs voisins, coreligionnaires ou non, dans les difficultés. Et non : ils achètent des armes pour tuer les mécréants.
— Sans doute parce qu'ils trouvent que les tuer avec la drogue ça ne va pas assez vite.
— Et puis faire le bien avec l'argent du mal, c'est immoral.
— Tu es sûr ?


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