De nouveau quelques notes sur quelques nouvelles de
SF parues dans Galaxie ou dans Fiction dans les années 60. À la base, je me
suis mis à relire ma collection parce que je me suis mis moi-même à écrire des
nouvelles SF à tendance rigolote et, trouvant que dans la production actuelle,
ça manque un peu, je suis allé me ressourcer… chez Sheckley d'abord puis à la
redécouverte, un peu au hasard, de nos grands et petits anciens, pas seulement
"les histoires d'humour de la SF", mais celles qui prennent une
résonnance spéciale, vues de maintenant.
J'en profite pour scanner quelques illustrations dans
les pages jaunies de ces vieux Galaxie, images que je poste sur la page FB
Stéréoscopages dont je suis co-administrateur (du Finlay, pour l'instant, mais
il y en aura d'autres…)
L'ami Georges Bormand a relevé, dans le Galaxie N°1
la nouvelle de Silverberg "Voir l'homme invisible", pas foncièrement
marrante, mais superbe et faisant partie de ces anticipations politico-sociales
qui tombent à pic. L'homme "invisible" de l'histoire ne l'est que
socialement, par condamnation. Pendant un an, marqué au front, il vit sa vie au
milieu des humains sans aucun contact : personne ne lui parle, il ne doit
parler à personne, tout le monde l'ignore. Il ne peut pas travailler mais il
peut voler, entrer partout sans payer, personne ne l'en empêchera, etc. On peut
comparer ça à bien des situations modernes, celle d'un interdit bancaire comme
celle d'un sans papier…
Et comme par hasard, dans le N° suivant, une autre
perle du même Silverberg, "La souffrance paie", où l'on est en pleine
trash TV. Une chaîne paie les
familles de malades hospitalisés plus ou moins mourants pour avoir le droit de
filmer leur opération… ou leur agonie. Et paient plus cher s'ils acceptent que
ça se passe sans anesthésie ! (Le parfaitement cynique producteur de l'émission
subira à son tour le même sort… Il y a une morale, quand même !)
Dans ce même N°2 de 1964, Brian W.
Aldiss, dans "L'impossible étoile", décrit ce que l'on n'appelait pas
encore un trou noir.
Et, toujours dans ce N°2, une nouvelle
de Mary Carlson, "Ceux qui possèdent la terre", évoque ceux qu'on nomme maintenant "les
1%", en réduisant leur nombre à une centaine. « J'ai tenté une estimation en additionnant le revenu national
brut de chaque pays de la Terre et en divisant par la somme nécessaire pour
acheter le gouvernement de l'une des plus grandes nations industrielles. »
Hum, hum…
Mais comme je ne relis pas les vieux Galaxie systématiquement dans l'ordre,
je tombe sur le N° 65 de 1969 et sur "Votez Kafka", de Norman Kagan,
et là, les relations avec notre temps sont foison. « Je ne peux voter pour aucun des candidats et pour aucun des
programmes en présence. Ils me paraissent sans rapport avec les vrais problèmes
qui se posent à la nation et à moi-même en ce qui concerne ma vie. Je crois
qu'il y a dans notre société un défaut exigeant une réforme plus
profonde. » Ça, c'est l'ouverture. Après, ça parle des machines « qui avaient rendus superflus la
plupart des hommes et avaient poussé le reste au bord de la démence ».
On a aussi cette idée que les fantômes
des individus que l'automation avait remplacés habitaient les machines, comme
si celles-ci s'étaient emparés de leurs esprits… Image, certes, mais pensons-y
quand nous irons au supermarché et que nous verrons les spectres des caissières
évincées planer au-dessus des nouvelles caisses automatiques.
Question boulot, le seul travail qui
reste c'est celui qui consiste à détruire le travail. On peut préciser le seul
travail correctement rémunéré qui reste c'est celui de programmeur
informaticien qui consiste à détruire le travail.
Et sur le plan politique, on est en
pleine prise généralisée du pouvoir par l'informatique (ICM, dans la
nouvelle !). On parle de ces prophéties autoréalisatrices que sont les
sondages. Et on parle d'une absurde candidature présidentielle "Kafka",
c'est-à-dire "aliénation", c'est-à-dire "rien". « À l'origine, le principe [de cette
candidature Kafka bidon] était de découvrir quels étaient les citoyens qui se
foutaient de leur bulletin de vote et quels étaient ceux qui étaient
sincèrement désenchantés. Mais contrairement à toute attente il s'est révélé
que tout le monde est aliéné et malheureux. Or notre système social est
désormais si complexe […] que nous ne pouvons plus lui apporter de
modifications fondamentales. Alors l'aliénation s'étend, on est toujours plus
malheureux et le nombre des bulletins Kafka augmente à chaque élection. » Inutile
de dire qu'à la fin de l'histoire Kafka est élu… un peu comme si tout à coup on
prenait en compte les bulletins blancs et qu'on élise… rien. (Ou Donald Trump…)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire