LO N° 406 (20/09/10)
LE DÉRÉGLEMENT CLIMATIQUE ET SES NÉGATEURS
SUITE 21 (Suite des LO 359, 360, 361, 367, 369, 373, 376, 380, 383, 387, 397, 398, 399, 402)
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VÉGÉTATION ET CO2
François Gervais ("Physicien sceptique"), qui me disait que le CO2, loin d'être un poison, est le nutriment indispensable d’une végétation qui en redemande, disait aussi que la prolifération de CO2 « a amélioré le rendement des récoltes de 15% » (Depuis quand ? Il ne me l'a pas dit). Je cite encore (LO 361) : Les expériences de culture en serres saturées en CO2 montrent une nette augmentation des rendements : en doublant le taux de CO2, on augmenterait le rendement du riz de 44 %, le blé de 47, etc. (Et même le café de 270 % ! Chic alors !)
A la suite de quoi, Bruno Bellamy, sur mon blog :
« Et si on construisait des dômes gigantesques pour multiplier localement l'effet de serre ? On pomperait tout le CO2 de l'atmosphère pour le réinjecter dans ces bulles-jardins, dans lesquelles la production agricole serait décuplée.
On y fabriquerait assez à manger pour tout le monde (tous les végétariens, en tout cas, eh-eh !), et hors des bulles, le climat redeviendrait tempéré, les calottes glacières se reconstitueraient, etc.
Comme ça ferait beaucoup de travail il n'y aurait plus de chômage, et comme ça mettrait un terme à la faim dans le monde il n'y aurait plus de guerre. Les soldats seraient troubadours, et, heu... enfin bon, c'était juste une idée comme ça. » (18 avril 2010)
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Mais est-il si vrai que ça que l'augmentation du CO2 dans l'air soit si favorable aux arbres, petites fleurs, patates et céréales, sauvages ou cultivées ? Le CO2, ça fait partie de leurs nutriments, OK, mais on peut se dire aussi, d'abord, que la végétation n'a pas attendu l'homme pour se goinfrer de CO2 : elle n'a pas spécialement besoin de ce supplément de CO2 apporté par l'industrie humaine, elle se débrouille très bien sans, pour assurer sa photosynthèse.
Et puis il y a des études… (Aaah, les "études"… Chacun sort la sienne… Alors je vais pas me gêner… Y a pas de raison…)
Tandis qu'une étude nous explique que le réchauffement climatique, ça va nous rendre malades et nous cuire façon court-bouillon, une autre nous explique que les arbres poussent plus vite grâce au réchauffement climatique, puisqu'ils se nourrissent de CO2. Les arbres et toutes les plantes à chlorophylle, donc les légumes, les fruits……… la bouffe de base, quoi. L'avenir serait donc un monde chaud où on vivrait à poil au milieu d'une végétation abondante et d'arbres gigantesques. Quelque chose comme le jardin d'Eden, même sans les dômes de l'ami Bruno. (Nous, on aimerait bien, on est végétariens – surtout lui.)
MAIS il est à craindre que l'argument soit fallacieux. (Vous y croyez, vous ?)
(Et les plantes, d'abord, elles éprouvent du plaisir, au moins, en se reproduisant ?)
Il va falloir encore faire un peu de science (bio). D'abord il faut quand même voir que la croissance (végétale) a des limites. La vitesse de croissance aussi. La lumière du soleil et le CO2, c'est pas le tout : il faut aussi de l'eau de qualité, en abondance, et ça………? Et d'autres nutriments issus de la terre, sels minéraux, phosphate, azote – naturels… ou artificiels. Et ça aussi………?
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Jean-Paul Besset, dans "Comment ne plus être progressiste… sans devenir réactionnaire" (Fayard, 2005), p 62, note : « Cette croissance accélérée des plantes vivrières par l'apport de gaz carbonique (CO2) provoque une diminution de la teneur en protéines et en vitamines. » En ce cas, où est l'intérêt (nutritif) ?
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Autre chose, c'est encore frais (Le Monde, 15 mai 2010) :
# Du CO2, mais pas trop
Plus l'air ambiant contient de dioxyde de carbone (CO2), plus la végétation terrestre est censée prospérer et, en définitive, fixer du carbone atmosphérique sous forme organique. Selon des travaux américains, ce constat de bon sens est simplement erroné. Les chercheurs ont procédé à des contrôles de croissance sur le blé et Arabidopsis (de petites plantes ressemblant au chou et à la moutarde très utilisées pour étudier la biologie végétale) dans une atmosphère enrichie en CO2 jusqu'à 720 ppm (parties par million), contre les 380 ppm aujourd'hui présentes dans la basse atmosphère terrestre. A leur surprise, la croissance de ces plantes en a été légèrement inférieure, en raison d'une dégradation de leur capacité à fixer l'azote présent dans le sol.
Les auteurs concluent à une dépendance croissante de l'agriculture aux fertilisants azotés à mesure que les concentrations atmosphériques en CO2 augmenteront. (Bloom et al., "Science" du 14 mai) #
C'est con.
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J'ai aussi retrouvé ça dans mes archives :
Patricia Reaney, Libération, lundi 05 septembre 2005 :
# Le réchauffement climatique menace de propager la famine
Environ 500 millions de personnes souffrent déjà de la faim dans le monde, mais le problème risque de s'aggraver avec l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
« Nous pensons que les changements climatiques vont aggraver les problèmes actuels des millions de personnes menacées par la faim, probablement à hauteur de 50 millions », a déclaré le professeur Martin Parry, du Bureau britannique de météorologie. « La grande majorité, environ les trois quarts de ce chiffre, se trouveront en Afrique. »
Pour éviter un tel risque, il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 20 fois plus que ce qui est prévu par le protocole de Kyoto. Lequel prévoit, d'ici 2008-2012, une réduction de 5,2% des gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990.
Par ailleurs, le professeur américain Steve Long, de l'Université d'Illinois, a révélé des expériences dans le domaine agricole qui viennent renforcer ces thèses. Il a d'abord souligné que certes l'élévation du niveau de CO2 stimulerait la croissance des plantes. Mais lors de ses expériences de terrain, l'équipe de Long a découvert que cette stimulation n'équivalait qu'à la moitié de leurs prévisions et ne concernait pas le maïs. De plus, une augmentation du niveau d'ozone dans l'hémisphère nord, autre conséquence attendue du réchauffement, pourrait finalement entraîner une diminution des rendements.
« Nous avons mené, dans l'Illinois, les premières expériences de cette situation en plein air. Nous avons découvert avec nos semis de sojas qu'en cas d'élévation aux niveaux attendus en 2050, les rendements baissent d'environ 15%. », a expliqué Long. « Cela annule donc toute stimulation due au dioxyde de carbone. #
http://www.liberation.fr/page.php?Article=321483
— Ouais… Peut-être, oui, que la Terre peut nourrir douze milliards d'habitants, mais pas en même temps !
L'idée d'une population nourrie grâce à la surabondance de dioxyde de carbone, c'est soit un rêve naïf… soit une manœuvre pour dire : ne changeons rien à nos habitudes surconsommatoires – business as usual.
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"Le Monde vert… enfin" (2002).
Couverture pour Bifrost 29, Spécial Andrevon. (Janvier 2003)
2 commentaires:
Ah bah tiens, puisque t'en parles... On évoque beaucoup parmi les "solutions" (qui pour l'instant ne suffiraient pas à résoudre le problème, donc ne seraient que des pis-allers) diverses formes de décroissance, principalement concernant directement ou non les sources d'énergie (cesser de brûler du pétrole, éteindre la lumière en sortant, etc), et leur effet sur l'effet de serre. Mais bien peu osent évoquer le fait que, pour ainsi dire, sans végétarisme (ou du moins sans une réduction drastique de la consommation de bidoche) point de salut : on (enfin bon pas moi mais c'est pour l'argument) mange trop de viande ! Les troupeaux produisent un max de méthane (les "prout") et donc le steak tue. Or ça semble un sujet TABOU. En France notamment. On veut bien rouler moins, éteindre la lumière, se chauffer au solaire, mais renoncer à son morceau de barbaque par repas, ça c'est too much. Ça m'intrigue...
Sur les futures colonies lunaires et martiennes, on ne pourra certainement pas se permettre de produire de la viande, dont le rendement sera dérisoire dans le contexte riquiqui où la place, l'air et l'eau seront plus précieux que l'or, et l'alimentation des premiers colons terriens hors de Terre sera presque certainement exclusivement végétarienne. Attendrons-nous, sur la planète mère, que les conditions de vie soient les mêmes que sur la lune ?!
Pour répondre à Bruno. Oui, la surconsommation de viande est un sujet tabou, simplement parce qu'on tient trop à notre goût pour la bidoche, qui est un "acquis" récent. Pour nos grands parents c'était un luxe de manger un steak, et une fête quand il y en avait dans l'assiette. La consommation de masse a permis à l'occidental moyen d'en manger régulièrement, alors qu'avant c'était réservé aux riches. Donc, pas touche à ce symbole de "progrès". Et tant pis si ça implique aussi d'affamer le tiers monde. Très peu de décideurs politiques (à part un ou deux écolos comme Yves Cochet) auraient le courage de parler de ça.
Et puis, la situation de la France, pays agricole, est un peu spéciale. Moi même qui suis très conscient du problème que pose la viande, et qui fais en sorte d'en consommer beaucoup moins, je suis un peu attaché à cette partie de notre culture (la charcuterie de nos terroirs). Et au delà du consommateur et de ses goûts bien enracinés, il y a tous les emplois liés à cette industrie, mais aussi le lobby de la viande qui doit être très très fort chez nous, j'imagine. Tout cela fait qu'on n'en parle pas.
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