Il y a quelques jours, je postais ici quelques notes
rapides autour de la devise de la république "Liberté - Égalité -
Fraternité". Quelques commentaires m'ont incité à en dire plus. Je ressors
donc ici un ensemble de réflexions beaucoup plus dense ; ça date de deux
ou trois ans et j'avais pondu ça pour le blog "C(h)oeur de citoyens".
Ces billets y sont toujours mais apparemment d'un accès malaisé. J'ai donc le
plaisir de vous les re-présenter ici, à peine retouchés-actualisés.
•••••••••
LIBERTÉ, ÉGALITÉ,
FRATERNITÉ, principes fondateurs et devise bien connue de notre République (je
parle bien ici de la République Française, au XX°-XXI° siècle)… Ce sont, ou ce
sont censées être, les VALEURS de la République. Mes réflexions portent et porteront
sur les termes, les concepts qu'ils recouvrent et leurs activations. Il est des
mots dont nous sommes tellement intimement persuadés de connaitre leur sens que
nous ne prenons même plus la peine de les définir ou redéfinir. « Ça va de
soi »…? « Chacun sait que… » ? Voire… Ces mots (ou ces
"maux", comme j'ai pu lire dans les commentaires – magnifique
lapsus orthographicus !), ces mots-clés demandent à être questionnés, de
même que le terme "valeurs" dont on se gorge. Et pourquoi pas
"démocratie", "république", "citoyen", "justice",
"nation", "territoire", "ordre"… et "devoirs" –
grand oublié…?
Après tout, nous sommes ici
dans un blog, un lieu de réflexion verbale-écrite. C'est l'endroit idéal où le
faire.
• Aux grands
mots (maux) les grands remèdes.
LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ, qu'est-ce que c'est –
et qu'est-ce qu'on en fait, nous, maintenant, "à l'aube du troisième
millénaire", selon la formule poétique médiatique consacrée ? Peut-on
encore y croire ?
D'abord, ces mots "sonnent vieux"
(vieillots, désuets, obsolètes… "ringards"…? je ne dirai pas, mais
perçus comme tels par nombre d'entre nous… et plus spécifiquement par la
"droite décomplexée" en voie de remplacement par
l'"extrême-droite décomplexée".) Ou trop chargés de passé
révolutionnaire dépassé (comme les paroles horribles de La Marseillaise) ?
Ou trop idéaux, idéels, idéalistes, irréels, platoniciens, utopiques ? Ou trop
pollués par les mauvais usages répétés ? Peut-on les réactiver, les
revivifier, les réhabiliter, leur redonner du sens, du sens pour ici et
maintenant…? Cause toujours… Ça ne marche jamais. (Et ainsi, d'ailleurs, évolue
la langue avec les mœurs… )
… Vaut-il donc mieux les
bazarder une bonne fois et chercher autre chose ? Vouloir se passer de ou
vouloir faire réduire à la cuisson les grands beaux mots n'est pas forcément du
réductionnisme, c'est de la communication (voire de la com', au sens de publicité ou propagande). Il se trouve que le
cynisme de l'époque, ou son désenchantement, le sarcasme des humoristes qui ne
laissent rien passer, tout cela rend inutilisables certains termes à connotation
chrétienne, moraliste, communiste, idéaliste.
Oh, les grands mots sont
toujours là, ils peuvent toujours faire vibrer nos âmes d'enfants, mais quand
Ségo se fait moquer avec son "fra-ter-ni-té"… et Martine avec son
"care"… Quand un enfant de quatre ans, en "cours de philo"
dit « la liberté, c'est quand on sort de prison »… Quand le bon sens
populaire nous dit « tous les hommes sont égaux, mais il y en a qui sont plus
égaux que d'autres », ou Freud « tous les hommes sont ego »… on ne peut tout simplement
plus employer ces termes naïvement, au premier degré. Quant à la fraternité… question de communication,
pour ne pas apparaitre comme une sorte de hippie attardé, planant dans l'idéal
idyllique de la fraternité universelle et la fumée des joints, et donc pour se
faire entendre, il vaut peut-être mieux, modestement, parler de solidarité,
solide, concrète, crédible.
Et faire.
Plutôt que de rêver d'un
rêve type « quand les hommes vivront d'amour, il n'y aura plus de
misère… » et « si tous les gars du monde voulaient se donner la
main… », il vaut sans doute mieux tenter de réaliser la solidarité dans
les faits et gestes, autour de soi, avec ses proches, dans l'accessible.
"Se contenter", oui, d'établir une solidarité terre à terre… ce qui
n'est déjà pas si facile.
Les bons sentiments, on le sait, ne suffisent pas, et
les Grands Mots, parce qu'ils sont grands, cachent la réalité des petits actes.
La fraternité "existant réellement",
ce sont des actes qui la font, non le mot-concept et la rhétorique qui ne sont
là que pour emporter l'adhésion (manipuler). En réalité, même, là où elle
existe concrètement, activement, la plupart du temps elle n'est pas dite, les
actes ne sont pas soulignés par un discours. (Quand c'est le cas, on sent
l'effort, le volontarisme…) Que disent les gens du Nord qui reçoivent chez eux
et nourrissent les clandestins de la "jungle de Calais" ?
Parlent-ils de fraternité, de solidarité, de "care" ? Non, ils
disent juste (et justement) : « On ne peut pas laisser des gens comme
ça. »
(à suivre)
(à suivre)
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