mardi 14 janvier 2014

On peut renoncer aux mots qui ont mal vieilli / 2.


• Négatif/positif
Une autre réflexion globale. Sur le "ton" général, sommes-nous effrayés par la grandeur grandiose des termes à Majuscule de la devise de la République et l'importance des valeurs en cause, que nous devions nous laisser aller à un sérieux pesant et à la seule expression quelque peu dépressive de "ce qui ne va pas" ?
Nécessaire, sans doute, mais tellement répandu que cela finit par m'apparaitre comme une forme de "bien-pensance" ou de "politiquement correct", et peut-être "contre-productif" (j'adore détester ces expressions). Indignons-nous, comme disait Hessel… mais ça fait des années qu'on n'arrête pas de s'indigner et de dénoncer et de protester, et la réalité nous répond « cause toujours ! », là encore. On passe son temps à combattre, lutter contre une perte, un danger, une oppression (termes négatifs contre termes négatifs).
Dans le beau texte de l'appel à la commémoration du 60ème anniversaire du Programme du Conseil national de la Résistance du 15 mars 1944 (ce sera donc bientôt le 70ème  anniversaire !) je lis "résistance", "colère contre l'injustice" (oui, tant que vous voulez !), mais aussi, heureusement, "faire vivre et retransmettre l'héritage de la Résistance et ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle". (Le terme important est sans doute "faire vivre".)
L'"anti-racisme" (un contre contre un contre), par exemple, est la seule valeur (ou idéologie) de la gauche socialiste depuis des années, la seule valeur dont elle fait discours, tandis que par ailleurs elle baisse son froc devant le grand capital financier concurrentiel ultra-libéral mondialisé et signe les privatisations à tour de bras. Anecdote personnelle : il y a quelques années, je discutais de cette question de l'anti-racisme avec un ami, à la recherche d'un terme qui ne soit pas une double négation. "Tolérance" ? Tellement condescendant, proche de l'indifférence… Il m'a dit "fraternité"… Ce qui ne m'étonne pas parce qu'il est un peu curé… mais terme qui, au moins, nous ramène à notre sujet !
Je m'obstine donc à démonter "les mots qui nous gouvernent" même si ça peut paraitre paradoxal ou enculeur de mouche. Ça l'est sans doute, mais voilà : je suis un sceptique… ou un puriste… ou doté d'un esprit critique pointilleux. Ça peut être chiant, je sais, mais, comme je fonctionne comme ça, je vous en fais profiter, dans la limite de votre patience. Pour moi, en tout cas, il faut en passer par là, déconstruire pour pouvoir reconstruire autrement, et aussi par la pratique indispensable de l'humour et de la provocation, pratique qui m'amène à citer aussi bien de grands penseurs de nos siècles que des "brèves de comptoir"…
Ce pourquoi je commencerai par vous présenter quelques droits de l'homme en libre-service:

Les Droits de l'Homme (même le dimanche),
– Le droit de péter quand il fait beau,
manger pieds nus, péter dans l'eau,
cueillir des fleurs et des oiseaux.
— Le droit de marcher sur les mains*,
de lancer des apéros nains,
de pincer des linges et beurrer des yeux noirs,
de pratiquer le non-espoir.
— Le droit de fuir en terre à délits,
d'aimer les belles éclaircies,
de crier "Dieu est mort" dans le désert,
prendre d'assaut les pompes à air.
— Le droit d'entrer dans le boudoir,
de philosopher dans le plumard
et de faire l'amour par hasard.
(Liste non-exhaustive.)
(*les siennes, pas celles des autres.)
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(À suivre)


"Cocard". Dessin paru dans La Mèche N° 8.

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