« J'sais
pas quoi faire… Qu'est-ce que j'peux faire…? Tiens, si je me
radicalisais ? Parce que tenir les murs de ma T6 et prier X fois par jour,
c'est trop nul. Je veux un gros gun, une kalach, tuer des gens… »
•
L'islam radical est une secte. (Et si on dit facilement que le christianisme
est "une secte qui a réussi", pourquoi ne pas le dire aussi bien de
l'islam en général ? Une secte comme une autre, et partagée en un tas de
sous sectes qui se tirent la bourre.) Alors ses adeptes fanatiques, ces
"guerriers d'un autre genre", ces sicaires, on peut les dire
"sous emprise", "possédés"…? (Non par Satan, mais par des
gurus et un système sectaire.) Oui, il s'agit très exactement de ça. Lavage de
cerveau, conditionnement… Addiction, dissociation mentale, fragmentation, déstructuration…
et restructuration autour d'un nouveau thème… en six mois, semble-t-il,
l'adepte est prêt à tuer ou à se suicider ou les deux à la fois. (Ça ferait
presque penser à Olrik-Guinea Pig manipulé par l'onde Méga du Télécéphaloscope
de Septimus dans "La Marque Jaune" !)
Le
musulman de base, censé être "normal", "modéré", pacifique,
serait-il si fragile, pour ainsi basculer, suite à quelques injonctions
venues de la mosquée, d'un site Internet ou de quelques copains de
classe…? Mais c'est aussi qu'il n'est
pas QUE "un musulman de base". Là, joue, comme dit précédemment, la
question de cette carence d'identité au sens civique qui fait que chacun, faute
d'identité personnelle et civique, pour ne pas dire nationale, se replie sur
une identité religieuse, qui, plus qu'une foi, est une identification à un
groupe (bande, tribu, origine).
• À force de se définir comme musulmans ET de se faire définir comme musulmans (avec
tous les corolaires qui s'y attachent sournoisement, en filigrane, y compris le
salafisme terroriste), certains le
deviennent de plus en plus, musulmans. Ils s'essentialisent, ils s'identifient
à l'islam, faute de mieux, et s'y renforcent par mimétisme et automimétisme :
ils imitent le groupe et ils s'imitent eux-mêmes en un système de boucle de rétroaction
positive (cercle vicieux ou spirale de renforcement)… Deviennent des
super-musulmans, voire des hyper-musulmans. Ça veut dire, dépourvus qu'ils sont
de thermostats, pris dans une effervescence, s'enfièvrer, s'exagérer,
concentrer l'énergie… se radicaliser,
puisque c'est le mot, convenu mais exact. Il s'agit bien de "revenir aux
racines" : c'est le sens du terme salafisme,
à part qu'il considère des racines lointaines, situées dans un passé lointain, un
"âge d'or" mythique, alors que les racines d'un arbre poussent en
même temps que lui, changent, croissent et restent contemporaines de son tronc,
ses branches, ses feuilles… (Et certes ce terme de radicalisation que l'on entend sans cesse – et son inverse supposé
de déradicalisation – et pourquoi pas éradication ?
– nous sort par les oreilles.)
On dit aussi fondamentalisme,
c'est la même idée, "revenir aux fondamentaux". Retour aux origines, aux
sources (aux prétendues ou fantasmées
sources), à un islam "pur", purifié. Les "modérés" disent
et répètent « ce n'est pas le vrai
islam, ce ne sont pas des vrais musulmans, c'est Satan » (euh…
"Satan", t'es sûr ?), mais les fondamentalistes en ont autant en
retour pour les modérés qui, pour eux, « ne
sont pas des vrais musulmans », sont des musulmans « de papier mâché »…
Mais du coup, ceux qui disent que ces tueurs ce n'est pas
l'islam, que l'islam, c'est la paix, etc., devraient plutôt parler de perversion de l'islam, de récupération, détournement de l'islam, de dérive,
de dévoiement. Mais non, ils parlent bel
et bien de radicalisation,
c'est-à-dire d'aller chercher les racines de l'islam, son origine supposée, son
essence imaginée. Cette perversion
ou subversion de l'islam serait bien
en fait une exacerbation de l'islam.
Radicalisation, oui, pas détournement. (Je
me répète un peu, je sais…) Le terrorisme islamiste transnational ne vient pas d'une
autre planète pour se greffer sur l'islam "normal", il en émerge,
comme un bouton de fièvre, comme un abcès de fixation. Si l'islamisme
terroriste est "la maladie de l'islam" (Cf. le livre d'Abdelwahab
Meddeb. Cf. aussi Cheikh Bentounès, leader spirituel de la confrérie soufie
Alawiyya, qui parle même de
"cancer de l'islam" *), son "côté obscur", l'islam normal
est le terrain : pas de maladie
sans terrain favorable.
(J'aime
bien prendre mes références chez des intellectuels musulmans, généralement
soufis, d'ailleurs…)
(On
pourrait appliquer de la même manière l'idée de radicalisation à l'Inquisition du XVI° siècle, "bouton de
fièvre" ou cancer du christianisme de l'époque.)
•
Mais comprendre que les terroristes n'ont aucune légitimité (au sens religieux, coranique), soit qu'ils détournent
le vrai islam, soit qu'ils se réfèrent à une pureté originaire fantasmatique, ne
nous aide pas beaucoup, sinon à nous efforcer d'éviter ce fameux amalgame, à trouver "la bonne
distance"… Mais il restera toujours un doute à cause des versets guerriers
du Coran, qui sont toujours là et qui peuvent n'importe quand servir de
légitimation à n'importe qui. Et puis, pour les mécréants athées que nous
sommes, aucune justification théologique
ne vaut, ni en mal ni en bien.
Déni.
Un certain Umer Ali apporte de l'eau à mon moulin dans un
article de The Nation concernant le dernier attentat contre une université au
Pakistan. (Dans le dernier Courrier International : N°1317, 28 janvier / 3
février)
Le Pakistan n'est pas la France, mais il semble que
là-bas aussi, en cas d'attentat islamiste (des talibans, en l'occurrence),
« la réaction générale […] est : "ce ne sont pas des musulmans",
"le terrorisme n'a pas de religion", "c'est une conspiration du
RAW…" (chez nous, on dirait la CIA…) […] On n'ira pas loin si l'on se
contente d'affirmer que les terroristes ne sont pas des musulmans. Il serait temps
que nous cessions d'être dans le déni et que nous comprenions que les
terroristes sont des musulmans, qu'ils suivent bel et bien une interprétation
de l'islam. S'ils n'étaient pas musulmans, pourquoi (ici, il cite quelques leaders talibans abattus ainsi que Ben
Laden) seraient-ils appelés "martyrs" et "soldats de
l'islam" ? Pourquoi des religieux musulmans leur organiseraient-ils
des funérailles symboliques ? Pourquoi des centaines de gens
viendraient-ils de tous les coins du pays pour adresser des prières funéraires
à des terroristes condamnés à la pendaison ? »
(Paru dans le Psikopat)
À SUIVRE